Cet espace rassemble des informations sur la communication terrioriale,
prioritairement sur la promotion de la ville et la production de son image.

Les thèmes de la Culture, des Projets urbains, de la Proximité, du Patrimoine,
du Développement économique ou touristique, de la Durabilité sont souvent traités, essentiellement par les villes et métropoles mais parfois aussi
avec d'autres types d'espaces, quelles que soient les échelles.

Communication sur la communication

La candidature de Nice aux JO d'hiver 2018 propose une communication qui est beaucoup basée sur... la communication. Le dernier clip vidéo présenté sur le site Internet de la candidature présente essentiellement la mobilisation locale pour la candidature. Christian Estrosi est omniprésent dans les images et c'est clairement une volonté locale qui est montrée comme atout premier, plutôt que des atouts territoriaux qui distingueraient Nice de ses concurrentes.
Un onglet "communication" est même proposé sur le site afin de montrer la communication intra-territoriale qui est mise en place. Transport en commun, affichage, 6000 oeillets pour créer l'affiche officielle, les actions ciblent bien la population locale et peu les acteurs extérieurs. Qui serait à cibler à l'extérieur lorsque la ville n'est pas encore qualifiée ?
Le bilan donne à voir davantage une promotion politique d'un nouveau maire, qu'une promotion territoriale d'une ville qui se différencie et se distingue des autres.

Compétition ou concurrence ?

Avec la décentralisation française de 1982, les villes, pôles de puissance, concentrent d’importants moyens financiers et agissent désormais pour attirer les populations. En effet, le système de répartition financière en France est passé de la centralisation à la contractualisation (contrats de plan Etat-Région, contrats de ville sectorisés, contrats de pays avec l’Europe). Chaque ville tire la couverture vers elle pour être la mieux dotée.

La communication territoriale est l’outil le plus utilisé pour attirer les populations. La promotion des villes installe celles-ci comme des marques à vendre. On pourrait dire que naît le concept de « concurrence » territoriale. Mais la concurrence suppose un marché avec une valeur monétaire, en l’occurrence la richesse des populations, dans le but d’accroître la consommation locale et de stimuler le marché ; les entreprises du marché seraient les villes françaises, chacune cherchant à obtenir des parts de marchés en attirant les populations. Pierre Grunfeld affirme que « l’ambiguïté vient du fait que les élus affirment qu’ils se comportent en chefs d’entreprise, les médias les en félicitant ou les y incitant (1) » en ajoutant que le citadin est considéré alors comme citoyen-actionnaire.

Mais peut-on réellement parler d’une concurrence territoriale ?

Sur un marché concurrentiel, les entreprises peuvent disparaître si elles ne parviennent plus à vendre. Mais les régions sont une portion d’espace qui traversent le temps quoiqu’il arrive : elles ne seront pas désertées soudainement car le territoire voisin est plus attractif. Cela s’est produit pour des villages ruraux au fil de l’histoire, mais les grandes villes ont le temps en leur faveur. La ville trouvera une alternative avec des politiques qui spécifieront le territoire. La création d’une base de loisirs, la mise en avant du patrimoine, l’accroissement des résidences secondaires, sont des stratégies actuellement utilisées pour impulser l’attractivité. La notion de temps donnant une acception particulière à la concurrence des villes (aucune ne déposera son bilan), peut être privilégié le mot « compétition » urbaine. (1) Grunfeld P., consultant, directeur de Paysages Possibles, revue urbanisme, hors-série n°18, article L’image d’un territoire peut-elle se construire ?, mars 2002, p.46

Baromètre d'image externe

Les acteurs économiques sont l’une des cibles privilégiées pour les territoires qui font du marketing urbain. Dans les discours des années 1980, les décideurs économiques sont en attente de trois facteurs déterminant pour vouloir s’implanter quelque part : être dans une ville carrefour ; qui s’affirme sur le champ de la recherche ou des techniques de pointe ; et qui est une capitale sectorielle. L’idéologie du technopôle est bien présente, tout comme les valeurs de modernité et d’innovation.


- En 1985, réalisée par un institut de sondage, une étude d’image de Nancy auprès des acteurs économiques l’assimile aux bassins sidérurgiques en crise et à une qualité de vie médiocre à cause d’un climat peu propice et d’une accessibilité améliorable notamment car la ville n’a pas d’aéroport international. Ses universités et grandes écoles sont méconnues et sans prestige, peut-être parce que l’absence d’un pôle technologique ne donne pas un rayonnement européen nécessaire pour une ville de cette taille.

- En 1987, via le même institut, une autre étude d’image montre une modification radicale. La crise lorraine est perçue comme un facteur de dynamique locale d’une ville idéalement située au sein du grand marché européen de 1992. Le statut de métropole intellectuelle et de ville d’art s’affirme, tout comme son pôle technologique Nancy-Brabois Innovation qui est favorablement apprécié, notamment grâce au salaire urbain proposé, c’est-à-dire les avantages urbains existants dans un contexte spatial économique et culturel favorable, aussi bien pour les travailleurs que leur famille.

Entre ces deux périodes, la promotion de la ville a créé le concept « Nancy, un style de ville », expression des caractères historiques prestigieux mêlés à l’innovation souhaitée du parc Nancy-Brabois-Innovation. Mais on peut se poser la question d’une évolution si rapide de l’image de la ville.


- En 1984, réalisée par un cabinet de consultant, l’étude d’image de Rennes auprès des entrepreneurs et hauts fonctionnaires de la région parisienne montre quatre constats : Rennes n’est pas la Bretagne ; elle est absente des médias nationaux ; elle a un rayonnement régional ; c’est un tissu économique, scientifique, culturel, complexe et indissociable.

Rennes est à ce point absente de l’univers mental des interviewés qu’ils sont amenés à en parler par déduction et réminiscence scolaire. Leur discours est théorique et déductif. Ville administrative éloignée des centres d’activités en Europe, son dynamisme est davantage déduit qu’affirmé si l’on excepte Citroën qui est plutôt bien identifié.

- En 1986, une enquête menée par la Jeune chambre économique auprès des Présidents d’organismes publics et économiques (sur les 1000 enquêtés, 179 ont répondu dont un seul de la région parisienne) de nombreuses réponses sans opinion émergent et concluent à l’absence d’image de Rennes. La ville est perçue à 82% comme une ville universitaire, 77% comme une ville administrative, 56% comme une ville culturelle, 46% comme une ville industrielle. Parmi les activités citées, Citroën est 80 fois citées (sur 179), les universités 61 fois et Ouest-France, 60 fois. Le domaine scientifique n’est cité que par 47 personnes dont les télécom cités 12 fois. A la dernière question « quelle images de Rennes avez-vous ? », le plus fort taux de réponses (133) ne permet de dessiner aucune tendance.

- En 1988, les opérations de communication et le slogan « Rennes bouge, bougez » semblent avoir portées leurs fruits puisque la ville est qualifiée positivement dans la seconde enquête du même cabinet de consultant. Comme le précise Albert du Roy, directeur de la rédaction du magazine L’Expansion, venu à Rennes pour animer un dîner-débat sur le thème Rennes dans la compétition européenne, « il n’y a pas de fatalité. Rennes semblait être la capitale d’une région attardée, se dépeuplant dont le seul atout est l’air tonique favorable aux enfants maladifs. Et subitement, les observateurs découvrent le contraire. Ils constatent que Rennes est une ville d’avant-garde, où il y a des industries de haute technologie, de la recherche… Elle devient symbole de modernité. C’est le résultat d’efforts effectués depuis de nombreuses années. Il fallait en avoir la volonté » (Ouest-France du 12 janvier 1989).

Dans l’étude de 1988, avec une population estimée entre 200 000 et 300 000 habitants, la ville est perçue comme l’une des plus actives de France, mais aucune information précise n’est mentionnée (les interviewés parlent d’un tissu de pme, d’agroalimentaire, de grandes écoles, sous forme de suppositions propres à toutes les grandes villes). La référence aux administrations décentralisées tendrait à montrer une ville au dynamisme exogène. Cette référence à la ville d’Etat, plutôt inerte et soutenue par le pouvoir central, n’est pas une composante d’image favorable. Néanmoins, Rennes est pensée économiquement comme le seul point intéressant de la Bretagne, grâce à l’absence d’un passé industriel (au détriment de Nantes qui est moins bien perçue) et par sa proximité avec Paris (au détriment de Lorient, Brest et Lannion). Rennes est considérée comme le pôle urbain de l’Ouest à la fin des années 1980, en tant que ville active, en expansion et devant Nantes la discrète.

Les images de ces deux villes ont évolué bien soudainement, passant d’une image inexistante dans les milieux économiques à une image positive en ascension et qui va progresser. Il semble intéressant de comparer les baromètres d’image des villes au fil des changements d’agence qui réalisent ces études. On peut s’interroger sur l’évaluation rennaise faite quatre années après des actions mises en place par la municipalité, mais préconisée par le cabinet de consultants qui fait les études. Souvent, quand les villes font appel à de nouveaux évaluateurs, le portrait est plus alarmiste comme pour monter que la collectivité a besoin de l’aide du nouveau prestataire qui améliorera la situation savamment décrite. De même, pour légitimer les coûts publicitaires, les résultats d’image doivent être annoncés le plus rapidement possible et il n’est alors pas accepter que l’image soit un champ de latence qui évolue sur des temporalités qui dépassent le mandat politique.


En 2004, selon une étude d’opinion commanditée à un nouveau cabinet de consultant, dans le cadre de Nancy 2020, l’image externe de Nancy et du Grand Nancy redevient médiocre.

Nancy a une image neutre et sans consistance. Ce n’est pas que les Français en pensent du mal mais ils ne connaissent pas cette ville lointaine, considérée comme endormie, ennuyeuse et isolée. Qualifiée de belle et historique, bourgeoise, administrative et universitaire, en rivalité avec Metz, la ville reste éloignée géographiquement car sans TGV. Nancy est comparée à Caen, Dijon, Bourges ou Clermont-Ferrand, des villes qui ont tout autant d’images creuses. Auprès de la population qui a déjà pratiqué la ville ou qui vient de s’y installer, des qualificatifs nouveaux accompagnent Nancy : des habitants aimables, une vie abordable et sans stress, une ville sûre qui gagne à être connue malgré un climat froid et un déficit d'emplois, des dessertes insuffisantes, un plan de circulation compliqué et une esthétique urbaine hétérogène.

Pour positiver, les stigmates des villes industrielles de l’Est de la France semblent ne plus coller à la ville alors que les études antérieures restaient sur les idées de tristesse et de déprime sociale (dans l’étude de 2004, toutes les études précédentes sont résumées dans le même esprit de morosité). L’image extra-territoriale nancéenne n’est plus mauvaise mais elle est neutre. Tout reste à faire et l’image peut être construite sans chercher à inverser une tendance. Le champ du possible ne peut pas être plus ouvert.

Il est intéressant d’observer l’inquiétude des acteurs nancéens qui constatent avec effroi qu’ils ont un sacré travail à faire sur l’image d’une ville qui ne part de rien. Mais est-ce inquiétant quand la majorité des gens ne sait pas grand-chose de sa ville. Est-ce un handicap ?

Reste à savoir sur quoi va reposer la nouvelle image. Certains pôles d’excellence dans les milieux scientifiques, médicaux ou culturels peuvent faire valoir la ville mais où est la nouveauté par rapport aux autres métropoles françaises et européennes ?

L’image, pensée comme un atout d’attractivité mais aussi de rétention de population est absente, ce qui enferme la démographie nancéenne actuelle qui n’est pas des plus dynamiques. Les convictions sociales actuelles indiquent que les jeunes couples s’installent dans une ville selon principalement trois critères principaux : les possibilités d’emploi, la convivialité relationnelle et le dynamisme culturel. La magnificence de la place Stanislas répond peu à ces axes de développement.

Pas de marketing pour la mode

Montréal veut apparaître comme une capitale de la mode en soutenant cette activité en tant que composante de son image extra-territoriale. En consacrant 2,4 millions de $ d’argent public sur trois ans à la promotion de la mode québécoise, c’est une « onde de choc » que le maire veut créer dans l’opinion publique.

La stratégie Montréal Style libre comporte quatre volets :

- établir une stratégie événementielle.

Des événements existent déjà, peut-être ont-ils besoin d’une plus grande visibilité ? L'industrie de la mode emploie quelque 60 000 personnes à Montréal et les événements qui s’y déroulent - la Semaine de mode Montréal, un événement international bisannuel, le Festival mode et design de Montréal, un happening mode extérieur se déroulant au mois de juin – semblent avoir un rayonnement local qui sera renforcé… reste à savoir comment ?

- favoriser une conception visuelle propre à Montréal.

Ce choix assez classique et facile est étonnant quand on sait que le nouveau logo de Montréal est crée depuis 6 mois et n’est visible nulle part. Serait-ce un logo de plus qui a davantage l’objectif de fédérer la mode localement que de donner une visibilité hors du Québec ?

- positionner Montréal comme centre de création de mode sur Internet.

Des sites pour les designers et les entreprises de mode vont être créés sur le support qui offre la plus grande visibilité à l’échelle mondiale. Le bilinguisme de la ville peut laisser penser que les sites seront largement visibles.

- ouvrir un bureau de la mode et du vêtement.

Ce bureau qui coordonne les futurs projets peut apparaître comme un outil marketing, d’autant que le ministre de Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation est impliqué dans cette stratégie.

Mais la commercialisation à l’international ne semble pas être un axe de développement, malgré le discours annoncé pour une visibilité à cette échelle. Les choix annoncés relèvent des volontés locales et aucune négociations ou même des rencontres avec des acteurs extérieurs ne semblent envisagées.

Tout porte à croire que la stratégie « Montréal, style libre » ne relève que de la promotion, et non d’un marketing global mis en marche pour apparaître sur l’échiquier des villes de la mode au côté de Paris, Milan, Londres, New York, rien que des villes puissantes où MTL pourrait faire sa place. Cette stratégie a tout d’un affichage extra-territorial qui aura probablement des effets uniquement intra-territorial.

Histoire du marketing des villes en France

La communication des collectivités locales a longtemps végété puis s’est développée de manière massive, suite aux lois de décentralisation de 1982. Il est courant dire que ces dernières ont engagé les villes dans une compétition sans frein pour attirer les entreprises porteuses d’emplois et de recettes fiscales, à l’exemple d’Hélène Cardy pour qui « la plupart des collectivités ont attendu la décentralisation pour commencer à communiquer, soit qu’elles aient pris conscience de la nécessité d’entreprendre certaines actions, soit qu’elles aient été contraintes de "suivre le mouvement", de crainte de se laisser dépasser » (Cardy, 1997, p.101). Il est plus juste d’affirmer que la décentralisation a renforcé la communication et l’a rendue plus visible. Patentes ou latentes, les rivalités entre villes sont consubstantielles de la fiction juridique de l’égalité des communes décrétée par la Révolution française. Les résistances à la coopération intercommunale en laissent deviner l’ancienneté, et l’organisation de la fiscalité locale ainsi que les règles de fonctionnement du système des notables les ont toujours peu ou prou entretenues (Oblet, 2005).

1960

Le marketing urbain est apparu en France vers la fin des années 1960, principalement à l’occasion de campagnes fabriquées pour attirer les investissements de promoteurs de bureaux privés dans de grandes opérations d’aménagement urbain et aider à la commercialisation des zones industrielles. Il apparaît comme « un substitut aux pratiques de la planification urbaine » (Wievorka, 1975), une sorte d’expédient qui investit de sens les actions conduites ou les équipements réalisés dans les villes moyennes françaises (Marie, 1989). Avec l’octroi d’exonérations fiscales temporaires, les villes se mettent ouvertement en concurrence et les maires consacrent du temps et du budget à la promotion économique de leur cité. Cette animation économique locale reste néanmoins étroitement surveillée par l’Etat. Les communes peuvent s’occuper de l’environnement économique de l’entreprise mais leurs initiatives doivent se situer dans le prolongement direct des orientations étatiques. Le préfet demeure le pivot de l’action économique locale et son contrôle de tutelle lui réserve la possibilité d’annuler les mesures municipales d’aides indirectes à des opérations d’industrialisation qu’il juge non conformes à l’intérêt général. L’intervention directe des communes dans la gestion des entreprises est interdite.

1970

Les années 1970 sont le temps des précurseurs en matière de communication (Mégard & Deljarrie, 2003) à travers les voix d’une nouvelle génération de maires en 1971 et de nombreux jeunes maires de Gauche élus dans les grandes villes en 1977. La communication territoriale se déploie pendant l’ère du chômage et de la crise économique qui nécessitent des discours politiques explicatifs et rassurants. C’est aussi l’époque de l’émergence de contre-pouvoirs politiques avec des groupes de citoyens qui s’investissent dans l’action municipale (associations de quartier, d’éducation populaire…). L’idéologie ambiante correspond à l’utopie de la participation locale, de l’information démocratique, ascendante et descendante, rassemblant des personnes sur des projets concernant leur quotidien. Les magazines municipaux sont quasiment l’unique moyen de communication[1], publiés périodiquement dès les années 1960. Dans une logique de promotion identitaire afin de susciter un sentiment de fierté de la ville, le journal municipal est, pendant plusieurs années, « un des vecteurs privilégiés de diffusion et de construction d’une identité locale fixée sur un territoire de papier […]. La rédaction retravaille les problématiques locales en proposant une information de proximité qui interpelle le sentiment d’appartenance » (Dauvin, 1987).

Ces initiatives sont amplifiées au lendemain des élections de 1977 lors du renouvellement des équipes dans plusieurs grandes villes de France. Les premiers bulletins municipaux (une trentaine de villes de plus de 5 000 habitants éditaient un bulletin municipal avant 1965), souvent ronéotés, sont aujourd’hui des magazines en quadrichromie avec une maquette élaborée. En 2002, une enquête estimait le tirage total des bulletins municipaux à 133 millions d’exemplaires par an soit 12 millions de numéros publiés en faveur de 14,9 millions de foyers (taux de couverture de 81% des foyers). Une autre étude, réalisée en 1997 sur 283 villes de plus de 5 000 habitants, a montré que la quasi-totalité d’entre elles éditait un bulletin mensuel ou trimestriel.

1980

Dans les années 1980, l’information à visée participative a été absorbée par une idéologie de la communication à finalité publicitaire. Cette décennie est l’apogée de la communication au sein du marketing urbain, ce qui, encore aujourd’hui, rend difficile la différenciation entre les deux champs pris l’un pour l’autre (voir lien Urbanités). Bien que les villes communiquaient déjà, cette décennie impose le marketing en réaction à la désindustrialisation et à la relocalisation des activités en dehors des villes-centres. Les pouvoirs locaux des métropoles régionales réagissent plus ou moins rapidement à l’aide du marketing urbain à tendance publicitaire (Montpellier dans les années 1980, Nantes et Rennes dans les années 1990, Angers dans les années 2000…).

La décentralisation se met en place dans un pays marqué par un centralisme fort où les villes existent moins pour elles-mêmes qu’en tant que partie de l’Etat indivisible, ce qui favorise le trouble dans lequel se retrouvent les communes, sans identité et sans positionnement (Mons, 1992). L’indépendance des collectivités territoriales implique la naissance ou la relance d’une identité locale forte pour se distinguer des pouvoirs législatif et réglementaire. Depuis une trentaine d’années, les Etats occidentaux ont accru la communication sur leurs missions d’intérêt général, avec des campagnes portant sur la prévention, la santé ou la sécurité publiques. Ces campagnes articulent des stratégies à caractère publicitaire et relèvent du marketing social et de la communication publique. Cette lutte du local contre le national a dérivé sur le plan de la communication et les élus, en tentant de valoriser l’autonomie et la modernité de leur territoire, ont eu tendance à se valoriser eux-mêmes, parallèlement à la professionnalisation des services Communication, ce qui a suscité une mauvaise image de ce secteur d’activité.

Bilan

A la fin des années 1980, D. Porté s’appuie sur l’enquête réalisée à l’occasion du premier cap Com’ à Valence en 1988, pour dégager quatre phases principales depuis 1960, sans omettre les images pré-1960 qui se cantonnent aux dimensions touristiques ou architecturales, aux blasons et aux flammes postales.

* les années 1960 sont les prémices de la communication des territoires, via les périodiques qui mettent du temps à être diffusés régulièrement. Toulouse, Nice ou Bordeaux créent un service Information. Quelques documents de promotion existent, comme un livre sur Rennes signé par son maire en mai 1969. Le plan « Rennes moderne, capitale de la Bretagne ; Quelques dates de l’histoire de Rennes ; Vers un urbanisme moderne ; L’industrie ; L’action culturelle (seule partie composée de trois sous-parties : La maison de la culture, les musées, les archives) ; L’université ; Rennes, porte de la Bretagne » donne un ouvrage qui répond aux normes du classicisme littéraire, illustré par les photographies des grands projets rennais (la zup, l’université Villejean, le chu…). L’objectif est essentiellement iconographique afin de valoriser l’action d’un élu et construire un territoire plus lisible. Ce n’est pas l’heure de l’audace ;

* les années 1970 et l’année élective 1977 donnent le pouvoir à une nouvelle génération de maires qui appellent des professionnels de la communication pour gérer les services Information ;

* de 1977 à 1983, 19 des 34 villes de plus de 100 000 habitants créent leur service Communication dont Paris, avec une professionnalisation accrue qui fait se côtoyer experts et consultants ;

* de 1983 à 1988, cette dernière phase correspond à la généralisation des services et à une amélioration des techniques et des moyens (10 millions d’exemplaires de presse territoriale chaque mois en France, plus de 150 communes ont acquis des panneaux électroniques d’information, les budgets de communication des villes varient entre 0,5 et 1% du budget communal).

« De manière schématique, l’histoire de la mercatique territoriale peut être divisée en trois étapes. Une première, propre aux années 1970 et au début de la décennie suivante, a largement mis l’accent sur le personnage de l’élu considéré comme la figure emblématique de la mercatique territoriale. Ce sont les temps des icônes illustrées par les grandes campagnes de communication centrées sur les métaphores managériales, sur l’innovation mais aussi sur les faiblesses avérées d’argumentaires plus enclins à imiter qu’à créer. Cette période faste n’aura qu’un temps ; elle laisse la place au cours de la décennie 1990, à des déclinaisons plus discrètes. C’est l’époque de l’élu gestionnaire, le temps où les collectivités expérimentent de nouvelles rationalités comptables inspirées du monde de l’entreprise et du droit privé. Depuis quelques années, parfois d’ailleurs de manière concomitante, une nouvelle tendance se fait jour. Elle émerge à partir d’une prise en compte plus affirmée des réalités de la gestion territoriale. Elle s’exprime sous un mode stratégique illustré par la fréquence grandissante des travaux d’élaboration de projets construits à grand renfort de commissions, de participations, voire d’ambitions prospectives » (Jambes, 2001, p.123).


[1] La loi du 17 juillet 1978 pose les bases d’un droit général à l’information des citoyens en permettant aux huc d’avoir accès aux documents administratifs émanant des collectivités locales.

Chirurgie esTourtique

En pleine reconversion, Nantes est une ville à la démographie dynamique qui, au fil du projet urbain Ile de Nantes, est en train de déployer de nombreuses opérations de visibilité extra-locales.
La symbiose des différentes actions mêle Culture, Urbanisme, Cadre de vie, Ecologie et tentative de rayonnement économique. La biennale Estuaire, l’éléphant et les machines de l’île sont des vecteurs culturels qui rendent Nantes avant-gardiste. Le palais de Justice ou l’école d’architecture sont des bâtiments qui appuie la métropolité. La revitalisation patrimoniale avec la réouverture du Château des Ducs en 2007 ont fait de cette année, le tournant de l’image de Nantes qui actuellement propose différents emblèmes renouvelés : la Tour Lu, l’éléphant et les géants, la cité des Congrès… auxquels se mêlent un patrimoine architectural joli mais peu grandiose (les places Graslin et Royale par exemple). Sur le plan économique, c’est le projet Euronantes qui est annoncé comme la nouvelle centralité économique connectée à la gare (pas tant que cela). Mais le site ne propose aucune visibilité architecturale, comme l’opinion publique peut attendre des quartiers d’affaire. Le plan d’urbanisme de Chemetof insiste sur les espaces verts et publics qui font de l’île un quartier de mixité qui n’a pas encore fait ses preuves en matière d’image externe. Loin du modèle des zones d’affaires vertigineuses comme le QIM (quartier international de Montréal), le Financial District de Toronto ou le Bankervientel de Francfort ; loin des exemples français que sont Paris-La Défense ou bien la quartier d’affaire La Part-Dieu à Lyon ou encore Euralille et bientôt Euromed à Marseille, le quartier d’affaire nantais n’offre pas d’architecture visible. Nantes n’a pas d’identité économique forte et n’a pas d’emblème économique à l’exemple de la Botte de Lille ou de la Tour du Crayon, ou alors technologique comme l’antenne de Rennes Atalante. Le choix volontaire de ne pas imaginer de totem puissants sur l’île de Nantes et de ne pas en proposer un nouveau à la place de la Tour Tripode détruite en 2005 pour cause d’amiante, témoigne d’une ambition d’image qui ne répond pas à la visibilité internationale dont les codes habituels sont des géosymboles simples et clairs. Pourtant Nantes justifie son action de développement économique par la quête de ce rayonnement international. Une piste se profile mais qui n’est pas prise en compte par les acteurs nantais : la Tour Bretagne. Même si les Tours ne sont pas à la mode (Paquot, 2007) en Europe, contrairement à l’Amérique et l’Asie, certaines tours poussent en France ces temps-ci pour appuyer le rayonnement des villes d’affaires. Tout comme Londres, déjà pôle financier mondial qui a très vite intégré dans son panorama le 30 St Mary axe qui symbolise la vitalité de La City. Son nom est lié à son adresse postale mais les Londoniens l’ont très vite surnommé the Gerkhin (le Cornichon), tout comme la Tour de la Part-Dieu est appelée le Crayon. En France, mis à part les tours parisiennes du quartier d’affaire La Défense, les tours de Lyon, Lille et bientôt Marseille sont les seules à évoquer le rayonnement économique des villes. - A Lyon, la Tour du Crayon (165 m) va bientôt être accompagnée de la Tour Incity avec ses 200 mètres de hauteurs et la Tour Oxygène (117 m) qui vont renforcer la dimension européenne d’une ville déjà bien située sur cette scène. - A Lille, la Tour Lilleurope (110 m) chevauche la voie ferrée tandis que la Tour de Lille, aussi appelée la Tour du Crédit Lyonnais (encore une) et surnommée la Botte est la troisième tour la plus haute de France hors Paris avec 120 mètres de hauteur. Elles ne parviennent pas à hisser Euralille parmi les quartiers d’affaire qui comptent en Europe, malgré les efforts architecturaux, accompagnés par le rayonnement culturel de Lille 2004. - A Marseille, la Tour Icade du quartier d’affaire Euroméditerrannée est prévue pour bientôt, ainsi que la Tour CMA-CGM qui va accueillir le siège de la compagnie maritime du même nom. Les 147 mètres de cette dernière vont faire perdre une place au classement des tours les plus hautes, à la Tour Bretagne de Nantes. Pour ne pas qu’Euronantes ne prennent la voie de Meriadeck à Bordeaux ou celle de Compans-Caffarelli à Toulouse qui pourtant bénéficie d’un centre des congrès, d’un palais des sports, de l’ESC, de l’hôtel de département et de sièges d’entreprises…, c’est-à-dire des quartiers d’affaires sans notoriété avantageuse, ne faut-il pas, à défaut d’un nouveau totem nantais, améliorer l’existant en rénovant l’actuelle Tour de Nantes et ses 144 mètres (175 m depuis la Cour des 50 otages) ? La tour à l’esthétique peu porteuse a besoin d’un toilettage, d’un rehaussement (pour conserver son rang en ajoutant 4 ou 5 mètres) et d’une redéfinition dans ses missions. Un hôtel d’affaire (Radisson au Crayon) peut occuper une place de choix dans cette tour, tout comme des entreprises en quête d’image (la SNCF qui va s’installer dans les 2/3 de la nouvelle Tour Incity avec sa direction nationale informatique). Les actuels travailleurs de la Tour sont issus de l’administration par défaut car le bâtiment n’a pas été attractif à ses débuts. Les budgets alloués à Nantes dans le cadre des politiques d’aménagement des métropoles d’équilibre n’ont donc pas été utilisés à bon escient, celui du développement économique. D’autant que l’échec est total avec la fermeture du toit-terrasse (trop de suicides s’y déroulaient) et la fermeture du restaurant panoramique au 29e étage. La tour est restée vide à ses débuts, ce qui laisse penser, outre les loyers excessifs, que les entreprises atlantiques ne cherchent pas une renommée qui passe par le standing à l’américaine. Mais dans la mesure où Nantes propose actuellement 200 000 m2 avec Euronantes, les 16 000 m2 de la Tour peuvent bien susciter le moindre intérêt et proposer une alternative pour les investisseurs. La Tour de 1976 peut légitimement demander un coup de pouce, depuis 30 ans qu’elle trône sur la ville, sans être particulièrement attractive et appréciée. Son heure est venue mais pour cela, il faut une volonté politique forte qui manque à Nantes pour s’imposer sur l’échiquier mondial. Actuellement, la Tour trouve une place dans les circuits touristiques de Nantes, mais elle mérite un peu plus pour que les touristes aient envie de visiter le prestige qu’il lui manque. Peut être envisagé un projet de rénovation urbaine qui embarque la place de Bretagne qui a la chance d’être traversée par le tramway, ce qui renforce une accessibilité qui n’était pas si évidente malgré sa centralité euclidienne. Un projet artistique, d’embellissement, serait une vraie preuve de l’internationalité nantaise qui pour l’instant semble davantage relever de la performativité.

Gentrification & image

La gentrification est un phénomène considéré comme dangereux par des géographes, comme Saskia Sassen, Neil Smith ou David Harvey qui ont réalisé des études montrant des effets néfastes sur le Droit à la ville sur l’espace public, les transports, l’exclusion financière, la citoyenneté urbaine ou l’imagination spatiale. Dès les années 1960, la gentrification ou l’embourgeoisement d’un quartier peut être pensée de deux manières :
- du point de vue de la consommation (Ley, 1996) avec la description des populations concernées par le mode de vie bobo, le baby-boom, l’optimisation de la mobilité urbaine, la patrimonialisation des quartiers pauvres, la quête de centralité pour habiter…,
- du point de vue de la production avec la vision de N. Smith (1986) qui est d’abord économique (détérioration du marché immobilier qui incite à acheter dans les quartiers pauvres ou en désindustrialisation, et fait de la gentrification un produit structurel du marché immobilier). Ce géographe démontre que toute installation de ménages à revenus moyens ou supérieurs dans les quartiers pauvres relève d’une stratégie d’exclusion orchestrée par la pensée libérale. L’un des symptômes de ce phénomène pervers est, selon lui, l’augmentation du prix du sol. La recherche de Sharon Zukin, avec l’exemple des lofts d’artistes dans le quartier new-yorkais de SoHo (1982), combine ces deux manières de penser en considérant la gentrification comme émanation de la combinaison Culture/ Capital.
En reliant la gentrification aux politiques urbaines, N. Smith sépare la gentrification comme processus marginal initié par quelques acteurs privés (depuis les années 1970) puis comme outil des politiques urbaines mettant en jeu des financements publics et privés (depuis les années 1990). Le géographe parle de « gentrification comme stratégie urbaine globale » puisqu’au delà de la réhabilitation de bâtiments, elle concerne l’implantation d’équipements culturels ou économiques, la naissance de nouveaux quartiers sur d’anciennes friches industrielles ou encore de waterfront. Comme une stratégie urbaine généralisée, elle tisse les intérêts des gestionnaires municipaux, des promoteurs et des propriétaires, mais aussi des employeurs et des institutions culturelles et éducatives, à l’exemple de Glasgow (Smith, 2003).

Dans cette évolution, la gentrification est facteur d’image de l’espace, que ce soit le quartier concerné ou plus largement la ville. Les promoteurs privés et les institutions publiques recréent un lifestyle (Thomas, 2006) basé sur un environnement pittoresque et villageois plébiscité par la population cible : la rue piétonne, les pavés, les candélabres du Paris d’antan sont valorisés ; des lofts ou des logements avec cours évoquent la mémoire ouvrière et industrielle et sont prisés. Des nouvelles zones de divertissement commercial comme Bercy Village émergent, ou bien des cafés confinés à l’ambiance ethnique, intime et populaire sont appréciés. Cependant, les trajectoires des quartiers mettent en évidence que le lien entre qualité de l’offre de transports publics, aménagement urbain et processus de gentrification sociale ne sont pas toujours corrélés (Thomas, 2006).

La gentrification relève du discours. Comme le précise Marie-Hélène Bacque & Yankel Fijalkow (2006), malgré l’inachèvement du processus de gentrification du quartier de la Goutte d’or, sur un plan statistique, les principaux débats locaux du quartier (commerces, équipements, espaces publics), entre les associations et les pouvoirs publics, sont dominés par les effets de l’embourgeoisement et mènent vers un projet fondé sur trois réactions : la promotion du village, la défense du patrimoine et un désir de mixité sociale. Ainsi, l’idée de gentrification donne des effets avant même que le phénomène soit pleinement vérifié.

En France, la gentrification tend vers l’éviction des classes populaires et moyennes du centre de l’agglomération mais s’accompagne provisoirement d’une plus grande mixité sociale et « ce mélange social est souvent considéré positivement par les pouvoirs publics comme par les gentrifieurs eux-mêmes, sans que l’on connaisse vraiment la réalité de leurs pratiques » (Clerval, 2008). Ainsi, à défaut de connaître les relations de mixité sociale, l’apport d’image de la gentrification est incitatif pour les politiques. L’embourgeoisement améliorerait l’image des quartiers dégradés et par ricochet, l’image de la ville.