Cet espace rassemble des informations sur la communication terrioriale,
prioritairement sur la promotion de la ville et la production de son image.

Les thèmes de la Culture, des Projets urbains, de la Proximité, du Patrimoine,
du Développement économique ou touristique, de la Durabilité sont souvent traités, essentiellement par les villes et métropoles mais parfois aussi
avec d'autres types d'espaces, quelles que soient les échelles.

Gentrification & image

La gentrification est un phénomène considéré comme dangereux par des géographes, comme Saskia Sassen, Neil Smith ou David Harvey qui ont réalisé des études montrant des effets néfastes sur le Droit à la ville sur l’espace public, les transports, l’exclusion financière, la citoyenneté urbaine ou l’imagination spatiale. Dès les années 1960, la gentrification ou l’embourgeoisement d’un quartier peut être pensée de deux manières :
- du point de vue de la consommation (Ley, 1996) avec la description des populations concernées par le mode de vie bobo, le baby-boom, l’optimisation de la mobilité urbaine, la patrimonialisation des quartiers pauvres, la quête de centralité pour habiter…,
- du point de vue de la production avec la vision de N. Smith (1986) qui est d’abord économique (détérioration du marché immobilier qui incite à acheter dans les quartiers pauvres ou en désindustrialisation, et fait de la gentrification un produit structurel du marché immobilier). Ce géographe démontre que toute installation de ménages à revenus moyens ou supérieurs dans les quartiers pauvres relève d’une stratégie d’exclusion orchestrée par la pensée libérale. L’un des symptômes de ce phénomène pervers est, selon lui, l’augmentation du prix du sol. La recherche de Sharon Zukin, avec l’exemple des lofts d’artistes dans le quartier new-yorkais de SoHo (1982), combine ces deux manières de penser en considérant la gentrification comme émanation de la combinaison Culture/ Capital.
En reliant la gentrification aux politiques urbaines, N. Smith sépare la gentrification comme processus marginal initié par quelques acteurs privés (depuis les années 1970) puis comme outil des politiques urbaines mettant en jeu des financements publics et privés (depuis les années 1990). Le géographe parle de « gentrification comme stratégie urbaine globale » puisqu’au delà de la réhabilitation de bâtiments, elle concerne l’implantation d’équipements culturels ou économiques, la naissance de nouveaux quartiers sur d’anciennes friches industrielles ou encore de waterfront. Comme une stratégie urbaine généralisée, elle tisse les intérêts des gestionnaires municipaux, des promoteurs et des propriétaires, mais aussi des employeurs et des institutions culturelles et éducatives, à l’exemple de Glasgow (Smith, 2003).

Dans cette évolution, la gentrification est facteur d’image de l’espace, que ce soit le quartier concerné ou plus largement la ville. Les promoteurs privés et les institutions publiques recréent un lifestyle (Thomas, 2006) basé sur un environnement pittoresque et villageois plébiscité par la population cible : la rue piétonne, les pavés, les candélabres du Paris d’antan sont valorisés ; des lofts ou des logements avec cours évoquent la mémoire ouvrière et industrielle et sont prisés. Des nouvelles zones de divertissement commercial comme Bercy Village émergent, ou bien des cafés confinés à l’ambiance ethnique, intime et populaire sont appréciés. Cependant, les trajectoires des quartiers mettent en évidence que le lien entre qualité de l’offre de transports publics, aménagement urbain et processus de gentrification sociale ne sont pas toujours corrélés (Thomas, 2006).

La gentrification relève du discours. Comme le précise Marie-Hélène Bacque & Yankel Fijalkow (2006), malgré l’inachèvement du processus de gentrification du quartier de la Goutte d’or, sur un plan statistique, les principaux débats locaux du quartier (commerces, équipements, espaces publics), entre les associations et les pouvoirs publics, sont dominés par les effets de l’embourgeoisement et mènent vers un projet fondé sur trois réactions : la promotion du village, la défense du patrimoine et un désir de mixité sociale. Ainsi, l’idée de gentrification donne des effets avant même que le phénomène soit pleinement vérifié.

En France, la gentrification tend vers l’éviction des classes populaires et moyennes du centre de l’agglomération mais s’accompagne provisoirement d’une plus grande mixité sociale et « ce mélange social est souvent considéré positivement par les pouvoirs publics comme par les gentrifieurs eux-mêmes, sans que l’on connaisse vraiment la réalité de leurs pratiques » (Clerval, 2008). Ainsi, à défaut de connaître les relations de mixité sociale, l’apport d’image de la gentrification est incitatif pour les politiques. L’embourgeoisement améliorerait l’image des quartiers dégradés et par ricochet, l’image de la ville.