Cet espace rassemble des informations sur la communication terrioriale,
prioritairement sur la promotion de la ville et la production de son image.

Les thèmes de la Culture, des Projets urbains, de la Proximité, du Patrimoine,
du Développement économique ou touristique, de la Durabilité sont souvent traités, essentiellement par les villes et métropoles mais parfois aussi
avec d'autres types d'espaces, quelles que soient les échelles.

Communication sur la communication

La candidature de Nice aux JO d'hiver 2018 propose une communication qui est beaucoup basée sur... la communication. Le dernier clip vidéo présenté sur le site Internet de la candidature présente essentiellement la mobilisation locale pour la candidature. Christian Estrosi est omniprésent dans les images et c'est clairement une volonté locale qui est montrée comme atout premier, plutôt que des atouts territoriaux qui distingueraient Nice de ses concurrentes.
Un onglet "communication" est même proposé sur le site afin de montrer la communication intra-territoriale qui est mise en place. Transport en commun, affichage, 6000 oeillets pour créer l'affiche officielle, les actions ciblent bien la population locale et peu les acteurs extérieurs. Qui serait à cibler à l'extérieur lorsque la ville n'est pas encore qualifiée ?
Le bilan donne à voir davantage une promotion politique d'un nouveau maire, qu'une promotion territoriale d'une ville qui se différencie et se distingue des autres.

Compétition ou concurrence ?

Avec la décentralisation française de 1982, les villes, pôles de puissance, concentrent d’importants moyens financiers et agissent désormais pour attirer les populations. En effet, le système de répartition financière en France est passé de la centralisation à la contractualisation (contrats de plan Etat-Région, contrats de ville sectorisés, contrats de pays avec l’Europe). Chaque ville tire la couverture vers elle pour être la mieux dotée.

La communication territoriale est l’outil le plus utilisé pour attirer les populations. La promotion des villes installe celles-ci comme des marques à vendre. On pourrait dire que naît le concept de « concurrence » territoriale. Mais la concurrence suppose un marché avec une valeur monétaire, en l’occurrence la richesse des populations, dans le but d’accroître la consommation locale et de stimuler le marché ; les entreprises du marché seraient les villes françaises, chacune cherchant à obtenir des parts de marchés en attirant les populations. Pierre Grunfeld affirme que « l’ambiguïté vient du fait que les élus affirment qu’ils se comportent en chefs d’entreprise, les médias les en félicitant ou les y incitant (1) » en ajoutant que le citadin est considéré alors comme citoyen-actionnaire.

Mais peut-on réellement parler d’une concurrence territoriale ?

Sur un marché concurrentiel, les entreprises peuvent disparaître si elles ne parviennent plus à vendre. Mais les régions sont une portion d’espace qui traversent le temps quoiqu’il arrive : elles ne seront pas désertées soudainement car le territoire voisin est plus attractif. Cela s’est produit pour des villages ruraux au fil de l’histoire, mais les grandes villes ont le temps en leur faveur. La ville trouvera une alternative avec des politiques qui spécifieront le territoire. La création d’une base de loisirs, la mise en avant du patrimoine, l’accroissement des résidences secondaires, sont des stratégies actuellement utilisées pour impulser l’attractivité. La notion de temps donnant une acception particulière à la concurrence des villes (aucune ne déposera son bilan), peut être privilégié le mot « compétition » urbaine. (1) Grunfeld P., consultant, directeur de Paysages Possibles, revue urbanisme, hors-série n°18, article L’image d’un territoire peut-elle se construire ?, mars 2002, p.46

Baromètre d'image externe

Les acteurs économiques sont l’une des cibles privilégiées pour les territoires qui font du marketing urbain. Dans les discours des années 1980, les décideurs économiques sont en attente de trois facteurs déterminant pour vouloir s’implanter quelque part : être dans une ville carrefour ; qui s’affirme sur le champ de la recherche ou des techniques de pointe ; et qui est une capitale sectorielle. L’idéologie du technopôle est bien présente, tout comme les valeurs de modernité et d’innovation.


- En 1985, réalisée par un institut de sondage, une étude d’image de Nancy auprès des acteurs économiques l’assimile aux bassins sidérurgiques en crise et à une qualité de vie médiocre à cause d’un climat peu propice et d’une accessibilité améliorable notamment car la ville n’a pas d’aéroport international. Ses universités et grandes écoles sont méconnues et sans prestige, peut-être parce que l’absence d’un pôle technologique ne donne pas un rayonnement européen nécessaire pour une ville de cette taille.

- En 1987, via le même institut, une autre étude d’image montre une modification radicale. La crise lorraine est perçue comme un facteur de dynamique locale d’une ville idéalement située au sein du grand marché européen de 1992. Le statut de métropole intellectuelle et de ville d’art s’affirme, tout comme son pôle technologique Nancy-Brabois Innovation qui est favorablement apprécié, notamment grâce au salaire urbain proposé, c’est-à-dire les avantages urbains existants dans un contexte spatial économique et culturel favorable, aussi bien pour les travailleurs que leur famille.

Entre ces deux périodes, la promotion de la ville a créé le concept « Nancy, un style de ville », expression des caractères historiques prestigieux mêlés à l’innovation souhaitée du parc Nancy-Brabois-Innovation. Mais on peut se poser la question d’une évolution si rapide de l’image de la ville.


- En 1984, réalisée par un cabinet de consultant, l’étude d’image de Rennes auprès des entrepreneurs et hauts fonctionnaires de la région parisienne montre quatre constats : Rennes n’est pas la Bretagne ; elle est absente des médias nationaux ; elle a un rayonnement régional ; c’est un tissu économique, scientifique, culturel, complexe et indissociable.

Rennes est à ce point absente de l’univers mental des interviewés qu’ils sont amenés à en parler par déduction et réminiscence scolaire. Leur discours est théorique et déductif. Ville administrative éloignée des centres d’activités en Europe, son dynamisme est davantage déduit qu’affirmé si l’on excepte Citroën qui est plutôt bien identifié.

- En 1986, une enquête menée par la Jeune chambre économique auprès des Présidents d’organismes publics et économiques (sur les 1000 enquêtés, 179 ont répondu dont un seul de la région parisienne) de nombreuses réponses sans opinion émergent et concluent à l’absence d’image de Rennes. La ville est perçue à 82% comme une ville universitaire, 77% comme une ville administrative, 56% comme une ville culturelle, 46% comme une ville industrielle. Parmi les activités citées, Citroën est 80 fois citées (sur 179), les universités 61 fois et Ouest-France, 60 fois. Le domaine scientifique n’est cité que par 47 personnes dont les télécom cités 12 fois. A la dernière question « quelle images de Rennes avez-vous ? », le plus fort taux de réponses (133) ne permet de dessiner aucune tendance.

- En 1988, les opérations de communication et le slogan « Rennes bouge, bougez » semblent avoir portées leurs fruits puisque la ville est qualifiée positivement dans la seconde enquête du même cabinet de consultant. Comme le précise Albert du Roy, directeur de la rédaction du magazine L’Expansion, venu à Rennes pour animer un dîner-débat sur le thème Rennes dans la compétition européenne, « il n’y a pas de fatalité. Rennes semblait être la capitale d’une région attardée, se dépeuplant dont le seul atout est l’air tonique favorable aux enfants maladifs. Et subitement, les observateurs découvrent le contraire. Ils constatent que Rennes est une ville d’avant-garde, où il y a des industries de haute technologie, de la recherche… Elle devient symbole de modernité. C’est le résultat d’efforts effectués depuis de nombreuses années. Il fallait en avoir la volonté » (Ouest-France du 12 janvier 1989).

Dans l’étude de 1988, avec une population estimée entre 200 000 et 300 000 habitants, la ville est perçue comme l’une des plus actives de France, mais aucune information précise n’est mentionnée (les interviewés parlent d’un tissu de pme, d’agroalimentaire, de grandes écoles, sous forme de suppositions propres à toutes les grandes villes). La référence aux administrations décentralisées tendrait à montrer une ville au dynamisme exogène. Cette référence à la ville d’Etat, plutôt inerte et soutenue par le pouvoir central, n’est pas une composante d’image favorable. Néanmoins, Rennes est pensée économiquement comme le seul point intéressant de la Bretagne, grâce à l’absence d’un passé industriel (au détriment de Nantes qui est moins bien perçue) et par sa proximité avec Paris (au détriment de Lorient, Brest et Lannion). Rennes est considérée comme le pôle urbain de l’Ouest à la fin des années 1980, en tant que ville active, en expansion et devant Nantes la discrète.

Les images de ces deux villes ont évolué bien soudainement, passant d’une image inexistante dans les milieux économiques à une image positive en ascension et qui va progresser. Il semble intéressant de comparer les baromètres d’image des villes au fil des changements d’agence qui réalisent ces études. On peut s’interroger sur l’évaluation rennaise faite quatre années après des actions mises en place par la municipalité, mais préconisée par le cabinet de consultants qui fait les études. Souvent, quand les villes font appel à de nouveaux évaluateurs, le portrait est plus alarmiste comme pour monter que la collectivité a besoin de l’aide du nouveau prestataire qui améliorera la situation savamment décrite. De même, pour légitimer les coûts publicitaires, les résultats d’image doivent être annoncés le plus rapidement possible et il n’est alors pas accepter que l’image soit un champ de latence qui évolue sur des temporalités qui dépassent le mandat politique.


En 2004, selon une étude d’opinion commanditée à un nouveau cabinet de consultant, dans le cadre de Nancy 2020, l’image externe de Nancy et du Grand Nancy redevient médiocre.

Nancy a une image neutre et sans consistance. Ce n’est pas que les Français en pensent du mal mais ils ne connaissent pas cette ville lointaine, considérée comme endormie, ennuyeuse et isolée. Qualifiée de belle et historique, bourgeoise, administrative et universitaire, en rivalité avec Metz, la ville reste éloignée géographiquement car sans TGV. Nancy est comparée à Caen, Dijon, Bourges ou Clermont-Ferrand, des villes qui ont tout autant d’images creuses. Auprès de la population qui a déjà pratiqué la ville ou qui vient de s’y installer, des qualificatifs nouveaux accompagnent Nancy : des habitants aimables, une vie abordable et sans stress, une ville sûre qui gagne à être connue malgré un climat froid et un déficit d'emplois, des dessertes insuffisantes, un plan de circulation compliqué et une esthétique urbaine hétérogène.

Pour positiver, les stigmates des villes industrielles de l’Est de la France semblent ne plus coller à la ville alors que les études antérieures restaient sur les idées de tristesse et de déprime sociale (dans l’étude de 2004, toutes les études précédentes sont résumées dans le même esprit de morosité). L’image extra-territoriale nancéenne n’est plus mauvaise mais elle est neutre. Tout reste à faire et l’image peut être construite sans chercher à inverser une tendance. Le champ du possible ne peut pas être plus ouvert.

Il est intéressant d’observer l’inquiétude des acteurs nancéens qui constatent avec effroi qu’ils ont un sacré travail à faire sur l’image d’une ville qui ne part de rien. Mais est-ce inquiétant quand la majorité des gens ne sait pas grand-chose de sa ville. Est-ce un handicap ?

Reste à savoir sur quoi va reposer la nouvelle image. Certains pôles d’excellence dans les milieux scientifiques, médicaux ou culturels peuvent faire valoir la ville mais où est la nouveauté par rapport aux autres métropoles françaises et européennes ?

L’image, pensée comme un atout d’attractivité mais aussi de rétention de population est absente, ce qui enferme la démographie nancéenne actuelle qui n’est pas des plus dynamiques. Les convictions sociales actuelles indiquent que les jeunes couples s’installent dans une ville selon principalement trois critères principaux : les possibilités d’emploi, la convivialité relationnelle et le dynamisme culturel. La magnificence de la place Stanislas répond peu à ces axes de développement.

Pas de marketing pour la mode

Montréal veut apparaître comme une capitale de la mode en soutenant cette activité en tant que composante de son image extra-territoriale. En consacrant 2,4 millions de $ d’argent public sur trois ans à la promotion de la mode québécoise, c’est une « onde de choc » que le maire veut créer dans l’opinion publique.

La stratégie Montréal Style libre comporte quatre volets :

- établir une stratégie événementielle.

Des événements existent déjà, peut-être ont-ils besoin d’une plus grande visibilité ? L'industrie de la mode emploie quelque 60 000 personnes à Montréal et les événements qui s’y déroulent - la Semaine de mode Montréal, un événement international bisannuel, le Festival mode et design de Montréal, un happening mode extérieur se déroulant au mois de juin – semblent avoir un rayonnement local qui sera renforcé… reste à savoir comment ?

- favoriser une conception visuelle propre à Montréal.

Ce choix assez classique et facile est étonnant quand on sait que le nouveau logo de Montréal est crée depuis 6 mois et n’est visible nulle part. Serait-ce un logo de plus qui a davantage l’objectif de fédérer la mode localement que de donner une visibilité hors du Québec ?

- positionner Montréal comme centre de création de mode sur Internet.

Des sites pour les designers et les entreprises de mode vont être créés sur le support qui offre la plus grande visibilité à l’échelle mondiale. Le bilinguisme de la ville peut laisser penser que les sites seront largement visibles.

- ouvrir un bureau de la mode et du vêtement.

Ce bureau qui coordonne les futurs projets peut apparaître comme un outil marketing, d’autant que le ministre de Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation est impliqué dans cette stratégie.

Mais la commercialisation à l’international ne semble pas être un axe de développement, malgré le discours annoncé pour une visibilité à cette échelle. Les choix annoncés relèvent des volontés locales et aucune négociations ou même des rencontres avec des acteurs extérieurs ne semblent envisagées.

Tout porte à croire que la stratégie « Montréal, style libre » ne relève que de la promotion, et non d’un marketing global mis en marche pour apparaître sur l’échiquier des villes de la mode au côté de Paris, Milan, Londres, New York, rien que des villes puissantes où MTL pourrait faire sa place. Cette stratégie a tout d’un affichage extra-territorial qui aura probablement des effets uniquement intra-territorial.

Histoire du marketing des villes en France

La communication des collectivités locales a longtemps végété puis s’est développée de manière massive, suite aux lois de décentralisation de 1982. Il est courant dire que ces dernières ont engagé les villes dans une compétition sans frein pour attirer les entreprises porteuses d’emplois et de recettes fiscales, à l’exemple d’Hélène Cardy pour qui « la plupart des collectivités ont attendu la décentralisation pour commencer à communiquer, soit qu’elles aient pris conscience de la nécessité d’entreprendre certaines actions, soit qu’elles aient été contraintes de "suivre le mouvement", de crainte de se laisser dépasser » (Cardy, 1997, p.101). Il est plus juste d’affirmer que la décentralisation a renforcé la communication et l’a rendue plus visible. Patentes ou latentes, les rivalités entre villes sont consubstantielles de la fiction juridique de l’égalité des communes décrétée par la Révolution française. Les résistances à la coopération intercommunale en laissent deviner l’ancienneté, et l’organisation de la fiscalité locale ainsi que les règles de fonctionnement du système des notables les ont toujours peu ou prou entretenues (Oblet, 2005).

1960

Le marketing urbain est apparu en France vers la fin des années 1960, principalement à l’occasion de campagnes fabriquées pour attirer les investissements de promoteurs de bureaux privés dans de grandes opérations d’aménagement urbain et aider à la commercialisation des zones industrielles. Il apparaît comme « un substitut aux pratiques de la planification urbaine » (Wievorka, 1975), une sorte d’expédient qui investit de sens les actions conduites ou les équipements réalisés dans les villes moyennes françaises (Marie, 1989). Avec l’octroi d’exonérations fiscales temporaires, les villes se mettent ouvertement en concurrence et les maires consacrent du temps et du budget à la promotion économique de leur cité. Cette animation économique locale reste néanmoins étroitement surveillée par l’Etat. Les communes peuvent s’occuper de l’environnement économique de l’entreprise mais leurs initiatives doivent se situer dans le prolongement direct des orientations étatiques. Le préfet demeure le pivot de l’action économique locale et son contrôle de tutelle lui réserve la possibilité d’annuler les mesures municipales d’aides indirectes à des opérations d’industrialisation qu’il juge non conformes à l’intérêt général. L’intervention directe des communes dans la gestion des entreprises est interdite.

1970

Les années 1970 sont le temps des précurseurs en matière de communication (Mégard & Deljarrie, 2003) à travers les voix d’une nouvelle génération de maires en 1971 et de nombreux jeunes maires de Gauche élus dans les grandes villes en 1977. La communication territoriale se déploie pendant l’ère du chômage et de la crise économique qui nécessitent des discours politiques explicatifs et rassurants. C’est aussi l’époque de l’émergence de contre-pouvoirs politiques avec des groupes de citoyens qui s’investissent dans l’action municipale (associations de quartier, d’éducation populaire…). L’idéologie ambiante correspond à l’utopie de la participation locale, de l’information démocratique, ascendante et descendante, rassemblant des personnes sur des projets concernant leur quotidien. Les magazines municipaux sont quasiment l’unique moyen de communication[1], publiés périodiquement dès les années 1960. Dans une logique de promotion identitaire afin de susciter un sentiment de fierté de la ville, le journal municipal est, pendant plusieurs années, « un des vecteurs privilégiés de diffusion et de construction d’une identité locale fixée sur un territoire de papier […]. La rédaction retravaille les problématiques locales en proposant une information de proximité qui interpelle le sentiment d’appartenance » (Dauvin, 1987).

Ces initiatives sont amplifiées au lendemain des élections de 1977 lors du renouvellement des équipes dans plusieurs grandes villes de France. Les premiers bulletins municipaux (une trentaine de villes de plus de 5 000 habitants éditaient un bulletin municipal avant 1965), souvent ronéotés, sont aujourd’hui des magazines en quadrichromie avec une maquette élaborée. En 2002, une enquête estimait le tirage total des bulletins municipaux à 133 millions d’exemplaires par an soit 12 millions de numéros publiés en faveur de 14,9 millions de foyers (taux de couverture de 81% des foyers). Une autre étude, réalisée en 1997 sur 283 villes de plus de 5 000 habitants, a montré que la quasi-totalité d’entre elles éditait un bulletin mensuel ou trimestriel.

1980

Dans les années 1980, l’information à visée participative a été absorbée par une idéologie de la communication à finalité publicitaire. Cette décennie est l’apogée de la communication au sein du marketing urbain, ce qui, encore aujourd’hui, rend difficile la différenciation entre les deux champs pris l’un pour l’autre (voir lien Urbanités). Bien que les villes communiquaient déjà, cette décennie impose le marketing en réaction à la désindustrialisation et à la relocalisation des activités en dehors des villes-centres. Les pouvoirs locaux des métropoles régionales réagissent plus ou moins rapidement à l’aide du marketing urbain à tendance publicitaire (Montpellier dans les années 1980, Nantes et Rennes dans les années 1990, Angers dans les années 2000…).

La décentralisation se met en place dans un pays marqué par un centralisme fort où les villes existent moins pour elles-mêmes qu’en tant que partie de l’Etat indivisible, ce qui favorise le trouble dans lequel se retrouvent les communes, sans identité et sans positionnement (Mons, 1992). L’indépendance des collectivités territoriales implique la naissance ou la relance d’une identité locale forte pour se distinguer des pouvoirs législatif et réglementaire. Depuis une trentaine d’années, les Etats occidentaux ont accru la communication sur leurs missions d’intérêt général, avec des campagnes portant sur la prévention, la santé ou la sécurité publiques. Ces campagnes articulent des stratégies à caractère publicitaire et relèvent du marketing social et de la communication publique. Cette lutte du local contre le national a dérivé sur le plan de la communication et les élus, en tentant de valoriser l’autonomie et la modernité de leur territoire, ont eu tendance à se valoriser eux-mêmes, parallèlement à la professionnalisation des services Communication, ce qui a suscité une mauvaise image de ce secteur d’activité.

Bilan

A la fin des années 1980, D. Porté s’appuie sur l’enquête réalisée à l’occasion du premier cap Com’ à Valence en 1988, pour dégager quatre phases principales depuis 1960, sans omettre les images pré-1960 qui se cantonnent aux dimensions touristiques ou architecturales, aux blasons et aux flammes postales.

* les années 1960 sont les prémices de la communication des territoires, via les périodiques qui mettent du temps à être diffusés régulièrement. Toulouse, Nice ou Bordeaux créent un service Information. Quelques documents de promotion existent, comme un livre sur Rennes signé par son maire en mai 1969. Le plan « Rennes moderne, capitale de la Bretagne ; Quelques dates de l’histoire de Rennes ; Vers un urbanisme moderne ; L’industrie ; L’action culturelle (seule partie composée de trois sous-parties : La maison de la culture, les musées, les archives) ; L’université ; Rennes, porte de la Bretagne » donne un ouvrage qui répond aux normes du classicisme littéraire, illustré par les photographies des grands projets rennais (la zup, l’université Villejean, le chu…). L’objectif est essentiellement iconographique afin de valoriser l’action d’un élu et construire un territoire plus lisible. Ce n’est pas l’heure de l’audace ;

* les années 1970 et l’année élective 1977 donnent le pouvoir à une nouvelle génération de maires qui appellent des professionnels de la communication pour gérer les services Information ;

* de 1977 à 1983, 19 des 34 villes de plus de 100 000 habitants créent leur service Communication dont Paris, avec une professionnalisation accrue qui fait se côtoyer experts et consultants ;

* de 1983 à 1988, cette dernière phase correspond à la généralisation des services et à une amélioration des techniques et des moyens (10 millions d’exemplaires de presse territoriale chaque mois en France, plus de 150 communes ont acquis des panneaux électroniques d’information, les budgets de communication des villes varient entre 0,5 et 1% du budget communal).

« De manière schématique, l’histoire de la mercatique territoriale peut être divisée en trois étapes. Une première, propre aux années 1970 et au début de la décennie suivante, a largement mis l’accent sur le personnage de l’élu considéré comme la figure emblématique de la mercatique territoriale. Ce sont les temps des icônes illustrées par les grandes campagnes de communication centrées sur les métaphores managériales, sur l’innovation mais aussi sur les faiblesses avérées d’argumentaires plus enclins à imiter qu’à créer. Cette période faste n’aura qu’un temps ; elle laisse la place au cours de la décennie 1990, à des déclinaisons plus discrètes. C’est l’époque de l’élu gestionnaire, le temps où les collectivités expérimentent de nouvelles rationalités comptables inspirées du monde de l’entreprise et du droit privé. Depuis quelques années, parfois d’ailleurs de manière concomitante, une nouvelle tendance se fait jour. Elle émerge à partir d’une prise en compte plus affirmée des réalités de la gestion territoriale. Elle s’exprime sous un mode stratégique illustré par la fréquence grandissante des travaux d’élaboration de projets construits à grand renfort de commissions, de participations, voire d’ambitions prospectives » (Jambes, 2001, p.123).


[1] La loi du 17 juillet 1978 pose les bases d’un droit général à l’information des citoyens en permettant aux huc d’avoir accès aux documents administratifs émanant des collectivités locales.

Chirurgie esTourtique

En pleine reconversion, Nantes est une ville à la démographie dynamique qui, au fil du projet urbain Ile de Nantes, est en train de déployer de nombreuses opérations de visibilité extra-locales.
La symbiose des différentes actions mêle Culture, Urbanisme, Cadre de vie, Ecologie et tentative de rayonnement économique. La biennale Estuaire, l’éléphant et les machines de l’île sont des vecteurs culturels qui rendent Nantes avant-gardiste. Le palais de Justice ou l’école d’architecture sont des bâtiments qui appuie la métropolité. La revitalisation patrimoniale avec la réouverture du Château des Ducs en 2007 ont fait de cette année, le tournant de l’image de Nantes qui actuellement propose différents emblèmes renouvelés : la Tour Lu, l’éléphant et les géants, la cité des Congrès… auxquels se mêlent un patrimoine architectural joli mais peu grandiose (les places Graslin et Royale par exemple). Sur le plan économique, c’est le projet Euronantes qui est annoncé comme la nouvelle centralité économique connectée à la gare (pas tant que cela). Mais le site ne propose aucune visibilité architecturale, comme l’opinion publique peut attendre des quartiers d’affaire. Le plan d’urbanisme de Chemetof insiste sur les espaces verts et publics qui font de l’île un quartier de mixité qui n’a pas encore fait ses preuves en matière d’image externe. Loin du modèle des zones d’affaires vertigineuses comme le QIM (quartier international de Montréal), le Financial District de Toronto ou le Bankervientel de Francfort ; loin des exemples français que sont Paris-La Défense ou bien la quartier d’affaire La Part-Dieu à Lyon ou encore Euralille et bientôt Euromed à Marseille, le quartier d’affaire nantais n’offre pas d’architecture visible. Nantes n’a pas d’identité économique forte et n’a pas d’emblème économique à l’exemple de la Botte de Lille ou de la Tour du Crayon, ou alors technologique comme l’antenne de Rennes Atalante. Le choix volontaire de ne pas imaginer de totem puissants sur l’île de Nantes et de ne pas en proposer un nouveau à la place de la Tour Tripode détruite en 2005 pour cause d’amiante, témoigne d’une ambition d’image qui ne répond pas à la visibilité internationale dont les codes habituels sont des géosymboles simples et clairs. Pourtant Nantes justifie son action de développement économique par la quête de ce rayonnement international. Une piste se profile mais qui n’est pas prise en compte par les acteurs nantais : la Tour Bretagne. Même si les Tours ne sont pas à la mode (Paquot, 2007) en Europe, contrairement à l’Amérique et l’Asie, certaines tours poussent en France ces temps-ci pour appuyer le rayonnement des villes d’affaires. Tout comme Londres, déjà pôle financier mondial qui a très vite intégré dans son panorama le 30 St Mary axe qui symbolise la vitalité de La City. Son nom est lié à son adresse postale mais les Londoniens l’ont très vite surnommé the Gerkhin (le Cornichon), tout comme la Tour de la Part-Dieu est appelée le Crayon. En France, mis à part les tours parisiennes du quartier d’affaire La Défense, les tours de Lyon, Lille et bientôt Marseille sont les seules à évoquer le rayonnement économique des villes. - A Lyon, la Tour du Crayon (165 m) va bientôt être accompagnée de la Tour Incity avec ses 200 mètres de hauteurs et la Tour Oxygène (117 m) qui vont renforcer la dimension européenne d’une ville déjà bien située sur cette scène. - A Lille, la Tour Lilleurope (110 m) chevauche la voie ferrée tandis que la Tour de Lille, aussi appelée la Tour du Crédit Lyonnais (encore une) et surnommée la Botte est la troisième tour la plus haute de France hors Paris avec 120 mètres de hauteur. Elles ne parviennent pas à hisser Euralille parmi les quartiers d’affaire qui comptent en Europe, malgré les efforts architecturaux, accompagnés par le rayonnement culturel de Lille 2004. - A Marseille, la Tour Icade du quartier d’affaire Euroméditerrannée est prévue pour bientôt, ainsi que la Tour CMA-CGM qui va accueillir le siège de la compagnie maritime du même nom. Les 147 mètres de cette dernière vont faire perdre une place au classement des tours les plus hautes, à la Tour Bretagne de Nantes. Pour ne pas qu’Euronantes ne prennent la voie de Meriadeck à Bordeaux ou celle de Compans-Caffarelli à Toulouse qui pourtant bénéficie d’un centre des congrès, d’un palais des sports, de l’ESC, de l’hôtel de département et de sièges d’entreprises…, c’est-à-dire des quartiers d’affaires sans notoriété avantageuse, ne faut-il pas, à défaut d’un nouveau totem nantais, améliorer l’existant en rénovant l’actuelle Tour de Nantes et ses 144 mètres (175 m depuis la Cour des 50 otages) ? La tour à l’esthétique peu porteuse a besoin d’un toilettage, d’un rehaussement (pour conserver son rang en ajoutant 4 ou 5 mètres) et d’une redéfinition dans ses missions. Un hôtel d’affaire (Radisson au Crayon) peut occuper une place de choix dans cette tour, tout comme des entreprises en quête d’image (la SNCF qui va s’installer dans les 2/3 de la nouvelle Tour Incity avec sa direction nationale informatique). Les actuels travailleurs de la Tour sont issus de l’administration par défaut car le bâtiment n’a pas été attractif à ses débuts. Les budgets alloués à Nantes dans le cadre des politiques d’aménagement des métropoles d’équilibre n’ont donc pas été utilisés à bon escient, celui du développement économique. D’autant que l’échec est total avec la fermeture du toit-terrasse (trop de suicides s’y déroulaient) et la fermeture du restaurant panoramique au 29e étage. La tour est restée vide à ses débuts, ce qui laisse penser, outre les loyers excessifs, que les entreprises atlantiques ne cherchent pas une renommée qui passe par le standing à l’américaine. Mais dans la mesure où Nantes propose actuellement 200 000 m2 avec Euronantes, les 16 000 m2 de la Tour peuvent bien susciter le moindre intérêt et proposer une alternative pour les investisseurs. La Tour de 1976 peut légitimement demander un coup de pouce, depuis 30 ans qu’elle trône sur la ville, sans être particulièrement attractive et appréciée. Son heure est venue mais pour cela, il faut une volonté politique forte qui manque à Nantes pour s’imposer sur l’échiquier mondial. Actuellement, la Tour trouve une place dans les circuits touristiques de Nantes, mais elle mérite un peu plus pour que les touristes aient envie de visiter le prestige qu’il lui manque. Peut être envisagé un projet de rénovation urbaine qui embarque la place de Bretagne qui a la chance d’être traversée par le tramway, ce qui renforce une accessibilité qui n’était pas si évidente malgré sa centralité euclidienne. Un projet artistique, d’embellissement, serait une vraie preuve de l’internationalité nantaise qui pour l’instant semble davantage relever de la performativité.

Gentrification & image

La gentrification est un phénomène considéré comme dangereux par des géographes, comme Saskia Sassen, Neil Smith ou David Harvey qui ont réalisé des études montrant des effets néfastes sur le Droit à la ville sur l’espace public, les transports, l’exclusion financière, la citoyenneté urbaine ou l’imagination spatiale. Dès les années 1960, la gentrification ou l’embourgeoisement d’un quartier peut être pensée de deux manières :
- du point de vue de la consommation (Ley, 1996) avec la description des populations concernées par le mode de vie bobo, le baby-boom, l’optimisation de la mobilité urbaine, la patrimonialisation des quartiers pauvres, la quête de centralité pour habiter…,
- du point de vue de la production avec la vision de N. Smith (1986) qui est d’abord économique (détérioration du marché immobilier qui incite à acheter dans les quartiers pauvres ou en désindustrialisation, et fait de la gentrification un produit structurel du marché immobilier). Ce géographe démontre que toute installation de ménages à revenus moyens ou supérieurs dans les quartiers pauvres relève d’une stratégie d’exclusion orchestrée par la pensée libérale. L’un des symptômes de ce phénomène pervers est, selon lui, l’augmentation du prix du sol. La recherche de Sharon Zukin, avec l’exemple des lofts d’artistes dans le quartier new-yorkais de SoHo (1982), combine ces deux manières de penser en considérant la gentrification comme émanation de la combinaison Culture/ Capital.
En reliant la gentrification aux politiques urbaines, N. Smith sépare la gentrification comme processus marginal initié par quelques acteurs privés (depuis les années 1970) puis comme outil des politiques urbaines mettant en jeu des financements publics et privés (depuis les années 1990). Le géographe parle de « gentrification comme stratégie urbaine globale » puisqu’au delà de la réhabilitation de bâtiments, elle concerne l’implantation d’équipements culturels ou économiques, la naissance de nouveaux quartiers sur d’anciennes friches industrielles ou encore de waterfront. Comme une stratégie urbaine généralisée, elle tisse les intérêts des gestionnaires municipaux, des promoteurs et des propriétaires, mais aussi des employeurs et des institutions culturelles et éducatives, à l’exemple de Glasgow (Smith, 2003).

Dans cette évolution, la gentrification est facteur d’image de l’espace, que ce soit le quartier concerné ou plus largement la ville. Les promoteurs privés et les institutions publiques recréent un lifestyle (Thomas, 2006) basé sur un environnement pittoresque et villageois plébiscité par la population cible : la rue piétonne, les pavés, les candélabres du Paris d’antan sont valorisés ; des lofts ou des logements avec cours évoquent la mémoire ouvrière et industrielle et sont prisés. Des nouvelles zones de divertissement commercial comme Bercy Village émergent, ou bien des cafés confinés à l’ambiance ethnique, intime et populaire sont appréciés. Cependant, les trajectoires des quartiers mettent en évidence que le lien entre qualité de l’offre de transports publics, aménagement urbain et processus de gentrification sociale ne sont pas toujours corrélés (Thomas, 2006).

La gentrification relève du discours. Comme le précise Marie-Hélène Bacque & Yankel Fijalkow (2006), malgré l’inachèvement du processus de gentrification du quartier de la Goutte d’or, sur un plan statistique, les principaux débats locaux du quartier (commerces, équipements, espaces publics), entre les associations et les pouvoirs publics, sont dominés par les effets de l’embourgeoisement et mènent vers un projet fondé sur trois réactions : la promotion du village, la défense du patrimoine et un désir de mixité sociale. Ainsi, l’idée de gentrification donne des effets avant même que le phénomène soit pleinement vérifié.

En France, la gentrification tend vers l’éviction des classes populaires et moyennes du centre de l’agglomération mais s’accompagne provisoirement d’une plus grande mixité sociale et « ce mélange social est souvent considéré positivement par les pouvoirs publics comme par les gentrifieurs eux-mêmes, sans que l’on connaisse vraiment la réalité de leurs pratiques » (Clerval, 2008). Ainsi, à défaut de connaître les relations de mixité sociale, l’apport d’image de la gentrification est incitatif pour les politiques. L’embourgeoisement améliorerait l’image des quartiers dégradés et par ricochet, l’image de la ville.

Chamonice

En devenant la 15è communauté urbaine de France, Nice fait sa pub.

Le discours de l'affiche essaie d'aboutir le double objectif intra-extra-territorial. L'intra est exprimé par le slogan "L'avenir en partage" et la liste des communes participant à la CU. Mais l'unité de la CU doit prédominer et c'est pour cela que la liste des communes n'est pas dans un choix de typographie des plus visibles et que bien sûr, ce qui prime, c'est la NCA.
Le texte est erroné lorsqu'il annonce la naissance de Nice Côtes d'Azur. Certes, la CU vient de naître, mais cela fait quelques années que l'expression Nice Côtes d'Azur est utilisée dans la promotion de la ville, de son aéroport ou de son développement touristique. Seule la structure intercommunale change mais le nom reste le même, ce qui est une preuve de bonne intelligence d'image, là où d'autres territoires font l'erreur de modifier leur nom à chaque évolution territoriale.

Enfin, cette publicité est l'occasion de mettre en visuel la proximité de la ville avec les Alpes et la neige car l'actualité fait que Nice veut être élue comme candidate nationale des JO 2016. Cette photo fait suite à une autre diffusée sur le site internet de Nice et qui a décrié la chronique, comme le rappelle ce lien qui mène vers une analyse de géomatique bien ficelée.

la BD d'Angoulême

"Dans la capitale mondiale des bulles" est le titre accordé dans le journal québécois La Presse, pour parler sur une demie-page du 36è festival de la bédé qui se déroule à Angoulême. Cela change d'un propos tiré du journal Le figaro il y a quelques années qui précisait que le festival se passait "à Angoulême, c'est-à-dire nulle part".
L'article québécois se focalise sur la capacité d'une "modeste ville" qui "ne dépasse pas 60 000 habitants en comptant large" à focaliser l'attention médiatique. Rassembler plus de 1000 professionnels et 200 maisons d'éditions, 500 journalistes dont presque la moitié d'étrangers et en plus faire en sorte que tous les grands médias français fassent des éditions spéciales sur l'événement (Libération et son "tout en BD" par ex) ; semble relever de l'extraordinaire. L'interview du directeur artistique est une manière de placer hautement le festival sans que le journaliste n'annonce des informations difficilement évaluables. Ainsi, le festival rival est le californien de San Diego - et encore, il se limite à la production américaine et asiatique -. Exit donc le festival de Bruxelles qui n'est nulle part mentionné alors que Maria Gravari-Barbas (2005) l'annonce comme un festival plus important.
Le festival d'Angoulême est décrit comme "en France, le seul festival non parisien qui soit devenu et demeuré un rendez-vous culturel international et incontournable. Mis à part les cas très particuliers de Cannes et d'Avignon". Rien que ça.
Il faut dire que cette année, le festival a de quoi attiré les médias québécois. Sur le grand écran de la bien nommée cité internationale de la bédé et de l'image, un Welcome in Angoulême est lancé par Steven Spielberg et Peter Jackson qui ont eu l'humour de se déguiser en Dupond et Dupont afin de lancer officiellement le tournage de l'opus 1 du Secret de la Licorne le lendemain aux USA.
On est loin du slogan des années 1980 "Angoulême sort de ses pantoufles" et cela fait un moment que la ville a inscrit spatialement son festival dans la pratique urbaine d'Angoulême. Des rues ont été rebaptisées dont la voie piétonne principale qui accueille un buste d'Hergé. Les bulles fourmillent dans la ville pour que le passant qui a oublié que le festival se tient là chaque année pendant 4 jours, s'en souvienne.
Le festival est né pour montrer que la ville innove et pour se différencier des autres villes.

Gravari-Barbas M., (2005), (en collaboration avec V. Veschambre), S’inscrire dans le temps et s’approprier l’espace : enjeux de pérennisation d’un événement éphémère. Le cas du Festival de la BD à Angoulême, in G. di Méo (coord.), Le renouveau des fêtes et des festivals, Les Annales de Géographie, 285-306

Marque mondiale

Le week-end du 23-24 janvier 2009 s’est tenu un événement sportif dans la ville de Québec, qui, par son originalité, participe à placer la ville dans les villes de neige qui comptent dans le monde. Le Red Bull Crashed Ice est une exhibition sportive qui fait patiner des compétiteurs qui ont le goût du risque. Croisement entre le hockey, le ski de descente et le snowboardcross, ce sport de sensation émane un imaginaire qui sied bien à la marque de boisson Red Bull. Les images exceptionnelles de la ville de Québec pendant cette compétition sont une vitrine notable et ce pour moins de 200 000 $ de dépense publique. L’affiche (ici juste le fond de l’affiche) met en avant le géosymbole qu’est Frontenac, ce qui constitue un atout différenciateur double la ville : par son événement qui l’inscrit dans le réseau des villes de neige et par son château de princesse.
Quelques ministres Québécois ont demandé aux organisateurs que l’événement ait un nom francisé lors des prochaines sessions. Sans pour autant compromettre la tenue de l’événement à Québec, en soulignant l’importance du fait français au Québec, un événement au nom anglophone au sein de la capitale nationale est estimé comme une anomalie. L’Association pour le soutien et l’usage de la langue française a déjà proposé les noms comme « Patinage extrême Red Bull » ou « Patinage casse-cou Red Bull », ce qui n’est pas des plus porteurs ! Red Bull est une entreprise qui travaille à l’international, son événement se tient notamment en Russie, aux Etats-Unis, en Autriche, en Finlande en République tchèque et ce, sous le même nom uniforme et donc aisément identifiable.

Québec devrait bien être consciente de l’intérêt d’avoir un nom unique dans toutes les langues. C’est son cas, tout comme Chicago mais toutes les villes n’ont pas cette chance. New York devient Nueva York en espagnol, London devient Londres en français, Paris devient Parigi en italien. Ces puissantes villes ne parviennent pas à imposer un nom-marque mondial. Québec y parvient bien mais n’aide pas un événement qui la fait rayonner à faire de même, au nom de l’exception culturelle.

Migration américaine

Une partie des métropoles des Etats-Unis sont estimées en croissance démographique grâce aux centaines de milliers d’immigrants qui maintiennent les niveaux de population tandis que les Américains natifs du pays se déplacent ailleurs en Amérique. Même New York aurait perdu environ 100 000 habitants par an si les étrangers n’étaient pas venus entre 2000 et 2006 selon le Bureau du recensement (précisémment, le recensement a révélé que plus de 1 million d’immigrants se sont installés à New York entre 2000 et 2006, tandis que 600 000 personnes, surtout des américains natifs du pays l’avaient quitté). De même, de puissantes villes comme Los Angeles et Boston aussi diminuer sans immigrants, ce qui menace l’économie locale et les marchés immobiliers. La région de Washington a connu sa croissance la plus lente depuis 1990, les nouveau-nés et les immigrants ayant à peine compenser le nombre record de résidents ayant déménagé, selon le Washington Post. La population de la Nouvelle-Orléans a chuté de près de 290 000 habitants depuis 2005, alors que la ville se remet petit à petit de la destruction causée par l’ouragan Katrina.

Selon William Frey, démographe de la Brookings Institution à Washington, les villes sont conscientes que leur développement repose sur l’immigration. Les villes nord-américaines ont des tailles bien au-delà des villes européennes : Quatorze zones métropolitaines ont des populations de plus de 4 millions d’habitants, dont New York, la métropole la plus peuplée (1er Juillet 2006) avec 18,8 millions d’habitants, suivie de Los Angeles (13 millions) et Chicago (9,5 millions). Outre Paris et Londres, les villes de Berlin, Milan, Athènes ou Barcelone, les plus grandes villes européennes peinent à dépasser les 4 millions (cela dépend des limites choisies).

L’american way of life et à travers elle, l’image de l’Amérique et de ses grandes métropoles qui sont les portes d’entrée des Etats-Unis, semblent éviter le déclin à de nombreuses villes.

Les immigrants ont afflué vers les régions métropolitaines des Etats-Unis, stimulant la croissance. Plus récemment, des américains de naissance ont quitté ces mêmes régions, à la recherche d’une meilleure qualité de vie ou de meilleures perspectives d’emploi.

Avec 36 millions d’immigrants aux USA dont environ un tiers d’illégaux, certaines villes ont de quoi compenser leur problème d’attractivité de population locale.

Mais d’une manière générale, les tendances des années 1990 se poursuivent : - D’un côté, les villes de la Sun belt, ensoleillées, continuent leur croissance. Atlanta est la ville la plus dynamique avec une augmentation de 890 000 habitants (2000-2006), portant à 5,1 millions sa population. Les autres fortes hausses concernent Dallas-Fort Worth et Houston au Texas, ainsi que Phoenix dans l’Arizona, et Riverside en Californie.

- De l’autre, les villes du nord-est américain, qui forment la Rust-belt (Ceinture de rouille) et l’ancien cœur industriel américain qui a connu un fort exode, continue de décroître. Près de 60 000 personnes ont quitté Pittsburgh (Pennsylvanie) de 2000 à 2006 et les villes de Cleveland (Ohio), Buffalo, New York, Youngstown (Ohio), et Scranton (Pennsylvanie) voient aussi leur population baisser.

Le clivage augmente entre ces deux types de villes américaines, les unes avec la culture de nouvelle économie métropolitaine et celles de la Rust belt où des coûts de logement et la diminution des perspectives d’emploi a favorisé l’exode.

Si le premier critère de la définition des shrinking cities est la baisse de population, les chiffres des migrations étrangères pose la question du déclin des villes. Bien sûr, ces chiffres sont éloignés des flux étonnants des shrinking cities les plus connues qui ont perdu la moitié de leur population en un demi-siècle (Cleveland passe de 914 000 en 1950 à 478 000 hbts en 1990 ; Detroit (Michigan), de 1,850 millions en 1950 à 570 000 en 1990), Newark (New Jersey) Philadelphia (Pennsylvania) Pittsburgh, Saint-Louis (Missouri) et Youngstown (Ohio) étant les villes suivantes qui ont connu leur apogée dans les années 1930.

Reste à étudier si les unes utilisent des techniques d’attractivité différentes des autres ou si chaque ville agit selon ses ressources et en copiant sur les villes gagnantes.

Grands événements pour le développement territorial

Plus de 30 000 événements par an répertoriés par Sportcal.com, quelque soient leur taille et leur contenu, qu’ils soient ponctuels ou récurrents, dans plus de 140 disciplines sportives, ont lieu dans 172 pays, dont une grande part en Europe et dans les Alpes pour les sports d’hiver. La concurrence entre les villes de villégiature en montagne invite les sites à agir, à la fois pour distraire les touristes, développer les infrastructures et renforcer l’image grâce à des Jeux d’hiver, Jeux régionaux, championnats du monde…

Si auparavant l’initiative privée d’individus, sportifs, hôteliers, clubs, fédérations... était peu soutenu par les pouvoirs publics, désormais, une implication importante des offices de tourisme et des subventions publiques encourage des partenariats public-privés entre initiateurs, bénéficiaires, organisateurs et autorités publiques.

L’événement sportif majeur accueilli dans une ville propose plusieurs apports et inconvénients.

- D’abord sur le plan économique, les revenus de l’événement (en lui-même et via les visiteurs), les investissements pour l’amélioration des infrastructures, les nouvelles mises en réseau d’acteurs sur un thème commun, le savoir faire qui pourra servir de nouveau, font face aux inconvénients comme l’éventuel augmentation du prix des terrains, le déficit possible de l’organisme qui porte l’événement, et les coûts à long terme pour l’entretien des infrastructures (Bieger & al., 2003). Montréal en sait quelque chose, elle vient tout juste de rembourser le prix du stade Olympique fabriqué pour les JO de 1976 (qui n’était pas achevé pour l’inauguration des JO). L’économie locale peut bénéficier de création d’emplois (ponctuellement), d’une expansion régionale stimulée, d’une intensification du tourisme (ponctuellement ou durable), d’une augmentation des exportations et de recettes fiscales accrues.

- Sur le plan écologique, les améliorations des infrastructures (transports ou évacuation des déchets, installations d’épuration des eaux) sont mises en avant pour compenser l’utilisation de larges surfaces pour des infrastructures nouvelles ou améliorées, les effets du volume de trafic, de la consommation d’énergie, de la quantité de déchets et d’eaux usées pendant et durant l’événement (Bieger & al., 2003).

- Enfin, sur le plan social, les avantages sont variés : expériences de travail incomparables, formation et participation des jeunes sous forme de bénévolat notamment, mise en valeur de la condition physique et de la santé. L’apport sur l’identité locale et les nouveaux réseaux doivent empêcher le risque de divisions au sein de la communauté locale. L’objectif est que la cohésion sociale l’emporte pour soutenir l’événement.

Du sport de part le monde : une compétition entre tous les territoires

- A Saint-Moritz (Suisse), un tournoi européen de hockey sur glace est organisé en 1885 et plus tard, les Jeux d’hiver de 1928 et 1948. Les championnats monde de ski alpin en 1974 puis 2003 placent le site comme une référence d’organisation d’événements internationaux. Le marathon de l’Engadine ou le programme hivernal/ estival de sports chics en font un lieu qui développe des événements spécifiques.

- De même à Lake Placid (USA), l’organisation des JO d’hiver en 1932 et 1980 ou les Universiades en 1972 justifient que le site accueille de nouveaux grands événements.

- A Sheffield (Angleterre), les Universiade en 1991 et 300 événements depuis en font une référence en matière de sport.

Toutes les échelles territoriales sont concernées pour s’organiser et se donner les conditions d’accueil optimales.

- Les villes soutiennent les volontés locales pour permettre l’organisation d’événements : le Service municipal des sports de la capitale Olympique Lausanne, le fonctionnement associatif pour l’organisation des JO à Turin afin de promouvoir la ville (www.torino-internazionale.org), un partenariat entre la ville et les milieux sportifs et économiques à Rotterdam (www.topsport.rotterdam.nl), la prise en charge par les acteurs touristiques pour préparer les JO de 2010 à Vancouver (www.tourismvancouver.com/meeting) sont autant de manières de proposer une gouvernance locale génératrice d’action.

- A l’échelle régionale, l’Etat de Victoria en Australie (www.vmec.com.au) porte la ville de Melbourne pour les JO, les championnats du monde ou les Jeux du Commonwealth ; en Savoie (www.cg73.fr, services sports), l’agence départementale du tourisme a conservé des forces vives après les JO d’Albertville en 1992, ce qui peut servir la candidature d’Annecy pour 2018 ; l’Irlande du Nord (www.nievents.co.uk) a fondé une compagnie en 1997 (golf, sports motorisés, équestres) ; l’Ecosse (www.eventscotland.org) a lancé une société de joint-venture en 2003, supervisée par le ministère du tourisme ; l’office de tourisme du Tyrol (www.tirol.at/wintersporthighlights) est l’acteur principal pour organiser les JO, les Universiade à Innsbruck, le championnat du monde de hockey…

- Sur le plan national, le Danemark (www.sportdenmark.dk) créé un réseau d’organisations danoises locales, régionales et nationales concernées par le sport international, l’Irlande (www.sportireland.ie) rassemble les activités sportives à visibilité internationale (golf, rugby, voile, cross, sports équestres), tandis que le Qatar, qui s’est déjà fait refouler pour les JO de 2016 mais persévère, souhaite devenir la « capitale mondiale du sport » (www.experienceqatar.com> sports).

Les structures et les moyens sont donc variés : service/ office de l’administration municipale ou régionale, ministère, office du tourisme local, régional, national, agence publique spécialisée, réseau, association, partenariat, société privée… souvent appuyés par des actes gouvernementaux et des ressources financières et humaines publiques.

Aménagement et marketing dans les événements

Les grands événements tels que la dernière coupe du monde de football jouée en Allemagne, impliquent autant le marketing urbain que le marketing des villes (Rosemberg, 2000[1]), bien plus qu’une biennale (pensons à l’Estuaire de Nantes). Le marketing urbain, par l’intermédiaire des multinationales, investit le champ urbain des différents sites d’accueil de compétitions, tandis que le marketing de la ville aide les municipalités allemandes à donner une nouvelle image ou appuyer celle qui était déjà la leur. La troisième ville d’Allemagne, Münich, en s’appuyant sur son expérience de l’accueil des JO de 1972, aurait développé une image internationale en prouvant sa capacité à accueillir de grands événements et à préparer pour cela les aménagements urbains nécessaires (Vancutsem, 2005[2]). En effet, comme le rappelle de manière développée Maria Gravari-Barbas et Sebastien Jacquot (2007) avec les exemples de Lille et Gênes, l’accueil d’événement permet d’intervenir sur le tissu urbain de manière profonde, rapide et optimale en jouant sur la pression des échéances liées à ces événements et en légitimant ainsi l’évolution urbaine parfois radicale.

Pour permettre la mise en place de politiques de développement urbain acceptées par les habitants, les villes communiquent de plus en plus sur ces sujets à travers des expositions ou des manifestations ponctuelles[3]. Bordeaux, Nancy, Figeac, Nice ou le CIU de Rennes mettent en résonance les projets urbains et l’histoire urbaine dans différents lieux afin de communiquer de manière interactive avec les habitants.

L’exemple de Turin

Turin est en déclin, ses montagnes de l’Ouest n’étant pas en mesure de concurrencer les grandes stations internationales, ses montagnes du Nord étant mal équipées. Après une crise industrielle, son actuelle phase de transition l’incite à voir le tourisme comme une opportunité à saisir. Turin nécessite un net repositionnement sur la scène européenne mais aussi mondiale. Elle fait donc le choix d’accueillir les JO en 2006.

Turin a commencé à réfléchir à son avenir après la crise survenue suite à la phase fordiste de la « ville fabrique ». Avec le schéma directeur du Piano regolatore generale qui a l’objectif de réemployer les anciennes niches industrielles, la ville et la province ont notamment développé leur image à partir d’une diversification de la base économique urbaine avec le projet « Turin bouge toujours ». La ville a accru son tourisme qu’il a fallu accompagner dans une transition entre le tourisme d’affaire et le tourisme de loisirs suite à la crise industrielle. Un plan de requalification de l’offre touristique et des sports d’hiver a été élaboré avec comme mission d’augmenter et diversifier le passage touristique mais aussi d’améliorer la qualité de l’environnement.

Parallèlement, la ville de Turin a mis en place depuis 1990 une politique de valorisation du patrimoine et de l’offre culturelle afin d’adapter et qualifier le produit touristique pour une clientèle de loisirs, améliorer l’accueil et promouvoir le tourisme urbain. Pour cela, des actions ont été menées, notamment avec des labels qui vérifient la qualité des structures, l’accueil des touristes et de l’hébergement, une connaissance meilleure de l’anglais par les personnels, et de nouvelles techniques d’accueil.

Le processus de candidature olympique a été incorporé dans l’objectif de « lancer Turin comme ville de culture, tourisme, de commerce et sport » au sein du piano Strategico Turino internazionale de 1998. La candidature de la ville pour accueillir les Jeux Olympiques a donc été stratégique, validée en 1999. Les JO constituent une accélération potentielle extraordinaire pour les politiques de développement territorial et pour l’essor du tourisme, en insufflant une nouvelle dynamique aux projets en cours. L’accueil d’un événement sportif aussi important nécessite des transformations comme des infrastructures de transport entre Turin et les localités en montagne où ont lieu certaines épreuves Olympiques. Cette construction d’infrastructure a amélioré le système de transport et l’accessibilité, conditions pour le nouveau positionnement de Turin comme ville européenne.

Les transformations spatiales de Turin sont l’occasion d’utiliser les grands vides industriels urbains : les Marchés généraux et la Douane, les friches industrielles de la Spina2, de l’Italgas, le vieux stade municipal, l’aire des casernes avec l’hôpital militaire, le vieux Palavela.

Sans compter le vaste espace olympique, une portion de la Province de Turin, comprise entre Bardonnèche à l’ouest, Torre Pellice au sud et Turin à l’est, composée de deux pôles principaux : la municipalité de Turin et deux vallées alpines (Susa et Chisone). Les structures urbaines sont fortement concentrées dans un rayon de 2 km dans le «district olympique» du Lingotto.

Le renouvellement urbain turinois passe par l’enfouissement du chemin de fer dans la ville-centre. Les espaces libérés unifient la ville qui était alors divisée en deux. Ce projet, moteur de la transformation urbaine a permis à un nouvel axe de se moderniser, sur différents sites industriels en friche, mis en relation pour aboutir à 4 zones et à de nouveaux projets : (1) l’émergence de gratte-ciel pour métropoliser la ville ; (2) le dédoublement de l’école Polytechnique, une bibliothèque de 150 millions d’euros, la reconversion de l’officine des chemins de fer en « urban center » (collection d’art moderne) ; (3) un parc d’activités liées à l’environnement, des usines d’Acier, une église dédiée au Saint-Suaire, des activités d’artisanat mêlées à des industries de hautes technologies ; (4) un hôtel et un centre d’exposition, un grand centre commercial, le village Olympique, une passerelle au-dessus du chemin de fer, un pôle universitaire et une école de biotechnologie, la nouvelle implantation de Fiat.

Plusieurs pistes d’après JO sont envisagées.

- Une inertie des acteurs locaux avec aucune activité de gouvernance nécessaire au-delà du niveau local si l’on considère que l’évolution socio-économique et spatiale du territoire est la continuité des tendances actuelles. Chaque localité essaierait de saisir de différentes opportunités avec peu de concertation voire de la concurrence vis-à-vis de l‘héritage (équipement pour le sport ; infrastructures ; résidences secondaires).

- Le scénario de la compétitivité internationale se penche vers la formation d’un réseau de lieux d’excellence en fonction d’une demande de niveau international (Turin comme centre pour les grands évènements, les localités internationales des vallées en tant que centres spécialisés) pour lequel une gouvernance est nécessaire, pouvant se superposer à celle des communautés locales.

- Le scénario de la maturité créative présente l’espace olympique en tant que système intégré, qui répondrait à une importante demande intérieure, une qualité de vie pour les résidents en tant que site de loisirs, sport et culture, et aussi pour les touristes.

Développement culturel par les JO

La culture a été pensée dans les politiques de la région et de la ville comme un des champs de développement pour sortir de la crise de l’industrie. Au début des années 1990, une politique de régénération urbaine a été déclenchée avec la mise en place d’un plan régulateur qui instaure un pacte entre les pouvoirs publics et les multinationales, donnant une grande place à la culture.

Les différents plans mis en place ne se sont pas révélés toujours cohérents et les résultats des différentes politiques ont souvent été chaotiques (pas de cadrage unitaire, de véritable politique de croisement entre les différents acteurs, absence de cohérence) selon le chercheur Luca Dal Pozzolo de l’université Polytechnique de Turin.

Les dépenses publiques pour la culture ont augmenté à l’approche des JO. Avec le premier plan stratégique, dans une liste de différents projets, la culture a été mise au centre du développement de la ville avec peut être une surévaluation de la culture dans le développement local. Des milliards d’investissements ont concerné le patrimoine pour attirer des visiteurs. Par exemple, le palais royal de Venaria représente un investissement de plus de 300 millions d’euros. Afin de valoriser le patrimoine, des investissements ont permis de rebâtir les "couloirs du paysage", en développant notamment le métro et les tramways (mais les différentes lignes ne vont pas le plus souvent jusqu’aux points stratégiques selon L. Dal Pozzolo). La centralité culturelle existe grâce au district culturel central mis en place dans le centre ville, avec ses musées. Le musée égyptien, par exemple, a un fort potentiel mais son étroitesse d’accès et sa délicate restauration bloque son déploiement. D’une manière générale, les musées turinois sont d’abord de portée locale, n’attirant au-delà que lors des inaugurations ou d’événements particuliers. La croissance en nombre de musées est plus forte à Turin qu’en Italie, ce qui peut mener vers une concurrence néfaste qui anéantirait chaque structure culturelle (20 nouveaux musés en 10 ans, financés par la ville et la région, ce à quoi s’ajoutent les restaurations d’établissements non terminées).

Turin a offert des possibilités sur l’art contemporain et l’art plastique mais de manière souterraine, ce qui a eu un impact sur la restauration des bars et night-clubs et par là sur la ville pratiquée. Cela s’est fait avec un fort investissement du secteur privé et a davantage constitué un phénomène de mode qu’une expression artistique. Rappelons qu’il a été démontré que les efforts de design proposés dans les politiques montréalaises afin que les commerces soient embellis, n’améliorent pas la pérennité d’activités commerciales.

Au final, la vision culturelle de Turin est floue et continue de faire débat selon L. Dal Pozzolo, qui dénonce le manque de marketing du territoire et son objectif de donner une image cohérente à la ville. Certes, l’offre est plus importante mais ne permet pas de penser une image globale pour Turin. A cela s’ajoute le changement de la population de Turin (immigration forte) contrastant avec une image traditionnelle de la ville. Mais à l’exemple de Rennes, cette diversité d’actions sans cohérence peut traduire une métropolité nécessaire (Houllier-Guibert, 2008) pour une ville qui se veut mondiale mais qui a moins d’un million d’habitants.

Un changement d’orientation s’est opéré dans le deuxième plan, qui a donné plus d’impulsion au développement de l’économie de la connaissance. Les gros investissements pour les infrastructures des JO ont entraîné une baisse des dépenses pour la culture. En effet, le développement a été initié par les pouvoirs publics et les banques. Les industriels dont Fiat n’ont pas participé au financement de la transformation, essentiellement financée avec l’argent public, et ont entamé leurs propres modifications. A Rennes, la situation est la même pour Citroën qui ne travaille pas avec la ville, il faut dire que le constructeur auto n’est qu’un site de production.

Au final, un décalage entre les politiques d’investissement en infrastructure et la vision globale de l’industrie culturelle s’observe. Ville la plus ouvrière d’Italie, Turin n’a pas la même dimension en matière de culture que d’autres grandes villes.

La culture a plutôt permis un renforcement touristique même si les objectifs ne sont pas clairement affirmés. Son image pesante de « ville industrielle » va à l’encontre de la communauté d’artistes qui n’a pas une place puissante dans la mutation urbaine, ainsi, la dimension traditionnelle des œuvres contemporaines prend le dessus et éloigne Turin du statut de ville créative si souvent recherché (Florida, 2002). Toutefois, en Italie, l’image de Turin a évolué, surtout par rapport à sa concurrente historique Milan. La réputation de Turin s’améliorerait, décrite comme une ville agréable à vivre, avec une population jeune, source de culture.

Qui sera la prochaine ?

Evénement sportif temporellement et géographiquement circonscrit en tant que rendez-vous planétaire médiatisé, les JO d’hiver sont programmés et leur localisation est connue. Le compte à rebours est commencé pour le 3ème évènement sportif mondial après la Coupe du monde de Football et les Jeux d’été, qui rassemble 2 500 athlètes ; 7 sports, 15 disciplines, plus de 80 épreuves ; près de 20 000 volontaires et 90 000 accréditations ; souvent plus de 1.2 millions de billets vendus et 230 000 repas servis dans les villages olympiques.

Dans la lignée de la réussite de Marseille au capitalat européen de la Culture en 2013, Nice se lance à la conquête de l’organisation d’un événement international. Pour attirer les JO d’hiver en 2018 dans 11 stations de ski et à Nice même, une démarche de promotion territoriale est mise en place pour convaincre le gouvernement français de présélectionner la métropole azuréenne face à Grenoble et Annecy. C’est une belle occasion pour Nice qui est l’une des rares grande ville (avec Marseille) à être sous la même bannière politique que les présélectioneurs. Elle a donc une longueur d’avance, elle qui a été refoulée pour être ville européenne de la Culture en 2013.

L’outil de promotion internationale par excellence est le site Internet et les trois villes candidates n’en sont pas au même degré d’investissement.

- Grenoble, mis à part son logo aux allures de celui de l’Exposition universelle Terres des Hommes à Montréal en 1967, propose une page web pauvre, avec seulement une sollicitation à soutenir la ville en remplissant un formulaire.

Le Conseil Général de l’Isère et la communauté d’agglomération sont tout aussi frileux pour communiquer sur ce projet.

- Annecy a développé un site dynamique avec des films et son logo très proche de celui de Nice. Heureusement, ce sont des logos ponctuels puisque le logo officiel validé par le CIO sera conçu avec les symboles olympiques.

Alors que Nice avec son slogan "L’union Alpes Méditerranée" évoque la vision sarkozyste de l’Union pour la Méditerranée et en ce sens, rappelle ses affiliations avec le pouvoir en place, Annecy la joue plus classique avec un slogan bateau. C’est pourtant elle qui est la plus cohérente puisque les deux logos à la dominante bleue (et blanc-rouge, cocorico) ne sont pas très éloignés de celui de la marque d’eau minérale Evian... qui soutient Annecy, à travers le Président du groupe Danone. La banalité du slogan « l’enjeu grandeur nature » est aussi un positionnement différenciateur par rapport à deux pôles urbains qui évoquent la pollution. Depuis plusieurs mois, Annecy insiste sur l’adjectif « naturel » que la presse locale se plaît à reprendre pour décrire ce site olympique qui doit « naturellement » être choisi. Annecy met en avant le Mont-Blanc en tant que spécificité territoriale avantageuse tandis que Nice insiste sur l’atout littoral, tout aussi spécifique.

Les atouts classiques sont mis en avant sur les sites Internet :

Pour la Savoie, sont soulignés le berceau des JO d’hiver en 1924 avec Chamonix ; une capacité d’un million de lits touristiques ; le discours du terroir présenté par le gastronome Marc Veyrat ; le soutien économique avec le Président du groupe Danone (et avec lui tout de même 600 chefs d’entreprise) ; bien sûr les acteurs politiques locaux et les sportifs de haut niveau et même l’acteur de cinéma André Dussolier dont on connaît le lien fort avec les sports d’hiver (!). Toute la panoplie d’ambassadeurs est présente via les films numériques.

Notons la capacité à faire croire au soutien national lorsque le comité de pilotage de la candidature est décrit avec la co-présidence du maire d’Annecy, du Président du Conseil général, et du Président de l’Assemblée nationale. Les trois échelles sont successivement annoncées avec photo en portrait à l’appui, mais le site Internet, s’il répète plusieurs fois le statut national de Bernard Accoyer, insiste peu sur son rôle de député-maire d’Annecy-le-Vieux, ce qui lui vaut son soutien officiel en tant que figure locale.

Le logo d’Annecy est filmé entre les jambes d’un sportif en chute libre qui saute d’un avion, tandis que celui de Nice est une grande banderole portée par plusieurs skieurs qui descendent une piste (l’un d’eux tombe, est-ce mauvais signe ?).

La phrase judicieusement prononcée « 60% des coupes du monde en France s’organise en Haute-Savoie » laisse penser que cette candidature à une longueur d’avance, forte de l’organisation d’Albertville mais cela signifie aussi qu’elle a déjà eu sa part du gâteau.

- Nice tient la dragée haute aux concurrents avec un site développé (www.nice-2018.fr).

Les diverses disciplines sont décrites sous forme de fiches contenant les résultats de Turin 2006, comme pour montrer que Nice est au point sur l’état des lieux du sport hivernal et est digne de succéder à sa voisine alpine.

Outre les traditionnels parrainages et liste des stations de ski choisies, les outils de communication sont déclinés avec une revue de presse sur la candidature, alimentée par le comité de pilotage mais aussi par des flux RSS provenant des grands titres de la presse sportive et régionale et témoignant ainsi du soutien des médias ; la Web TV JO est une galerie vidéo composée de films et reportages relatant les différentes étapes de la candidature niçoise, aussi pleine que le site d’Annecy.

Les avantages de Nice

Pour Nice, (1) le transport avec notamment le tramway qui fonctionne depuis 2007, (2) le tourisme qui met en image le marché du cours Saleya du Vieux-Nice, (3) l’hôtellerie et la restauration dont le Negresco est le totem, sont autant d’images bien connues de la métropole. Les articles de presse soulignent le dynamisme touristique qui place Nice au deuxième rang touristique de France après Paris (4 millions de visiteurs par an) et les infrastructures qui sont déjà de niveau mondial : une expérience des niçois dans le domaine de l’accueil international ; une capacité d’accueil de 10 000 chambres d’hôtels classés[4] ; l’aéroport international ; le Palais des Congrès élu meilleur Palais des Congrès d’Europe plusieurs années de suite. Bien sûr (4) l’aéroport Nice Côte-d’Azur est le véritable élément différenciateur des concurrents puisqu’il n’est pas nécessaire de prendre le TGV pour les sportifs étrangers qui viennent à la compétition, et enfin, l’argument habituel du développement durable avec l’Eco-Vallée (5).

Tout comme la ville olympique de 2010 Vancouver, Nice est placée entre mer et montagne, ce qui est l’occasion d’être attaquée en tant que ville de mer, de soleil et donc avec peu de culture montagnarde. Mais le maire attaque avec un argument euclidien en rappelant que les Alpes sont plus près de Nice que de Grenoble et Annecy. Enfin, Christian Estrosi plante le clou en mettant de nouveau en avant son atout phare. Dans un article de Nice-matin, il dit : « J'entends des gens dire : mais comment vont-ils faire pour organiser les épreuves de bobsleigh ? Ce serait, là, notre terrible et fatal handicap. Chacun le sien. Mais je me demande quand même quel est le défi le plus insurmontable : construire une piste de bobsleigh d'ici 2018 ou se doter d'un aéroport international ? »

C’est l’aéroport qui sert de vitrine pour la candidature, ainsi que le QG qui est le palais des rois sardes dans le Vieux-Nice (ouvert au public 7/7). Ces lieux sont récupérés symboliquement, tout comme un ancien établissement de Fiat a servi à installer le contrôle et la direction des JO turinois.

Devant les huit grands visuels présentant les diverses disciplines des Jeux Olympiques d’hiver et les couleurs de Nice 2018 au sein du Terminal 2, l’équipe niçoise a présenté officiellement le nouveau logo devant les nombreux passants de l’aéroport. Les visuels informent en masse que Nice est candidate et ce, auprès du monde entier qui se croise à l’aéroport. S’il est assez aisé de valoriser les 38 compagnies aériennes qui desservent près de 100 destinations avec plus de 63 liaisons directes en provenance de 29 pays, l’Eco-Vallée en revanche n’est pas un projet immédiatement parlant.

L’objectif d’Eco-Vallée, habillée de son label d’opération d’intérêt national, est de rehausser fortement le niveau économique, de recherche et de rayonnement international de Nice-Côte d’Azur selon un nouveau mode de développement fondé sur le respect et la valorisation de l’environnement, sur l’attention portée à la santé et au bien-être en général, ainsi qu’à l’amélioration du cadre de vie pour tous.

Considérant la France comme souffrant d’une carence en matière d’internationalité, Nice-Côte d’Azur serait le territoire le mieux à même de constituer pour la France une seconde porte sur le monde après Paris. Les atouts de l’Eco-Vallée sont listés et c’est l’occasion de reprendre parmi eux, ceux avancés pour l’obtention des JO : l’aéroport international, le tourisme cosmopolite, les attraits pour le tourisme d’affaires, les banques étrangères, les dépôts bancaires d’origine étrangère, les résidents étrangers à fort pouvoir économique, le niveau technologique parfaitement adapté notamment dans le domaine des télécommunications, des aménagements de grandes envergures (Ligne à Grande Vitesse, réseau de tramway, pôle d’échange multimodal, aménagement d’accès routiers), logements répondant aux exigences du développement durable, équipements structurants comme un centre d’exposition de 80 000 m2 ou le renforcement de l’hébergement hôtelier et enfin, un centre et des institutions culturels en passant par l’habituel mise en avant de la recherche universitaire. On reconnaît là le profil de la ville riche de Nice qui attire quelques fortunes.

La cohérence spatiale du projet est réussie lorsque l’opération de 10 000 hectares longeant le lit du fleuve Var depuis le littoral jusque dans le moyen pays niçois, aboutit sur l’aéroport international Nice-Côte d’Azur qui est situé dans son delta. Le fleuve comme lien, ça marche toujours.

Difficultés de différenciation

Des avantages comparatifs sont mis en avant sur les sites d’Annecy et Nice.

Les 18 atouts pour Annecy 2018 sont une tentative plutôt ratée puisque les points forts sont récupérables par les concurrents. Certes, c’est l’occasion de montrer le panel d’atouts qui répond aux exigences de sélection et ces atouts là incitent la population locale à soutenir le projet, mais ce sont des pistes utilisées par la concurrence et qui distinguent peu le projet d’Annecy.

Les 18 atouts

niveau

Analyse

La Haute-Savoie (710 000 hab.), berceau historique des J.O. d’hiver (Chamonix en 1924) et des sports d’hiver français.

2

Grenoble a accueilli les JO et a aussi un passé élogieux.

La beauté de la ville d’Annecy, surnommée la « Venise des Alpes », au bord du lac le plus pur d’Europe. Un écrin idéal pour une cérémonie d’ouverture…

2

Une Venise de plus après les Venise vertes, du nord… Nice a la Méditerranée face au lac.

Un cadre naturel unique dominé par le Mont-Blanc (toit de l’Europe à 4810 m) bénéficiant d’un des meilleurs enneigements au monde.

1

Le Mont-Blanc est unique et la garantie de la neige rassure même si les concurrents sont bien dotés aussi (Nice un peu moins)

Un terrain de jeu exceptionnel, au cœur du 1er domaine skiable au monde et de la première destination mondiale de sports d'hiver (75 255 km de domaine skiable, 110 stations en Pays de Savoie parmi lesquelles les plus réputées du globe).

2

Les chiffres sont porteurs mais chaque site peut être premier de quelque chose.

Véritable carrefour européen, un territoire frontalier de la Suisse et de l’Italie.

3

Chaque territoire a la capacité à être un carrefour et les autres sites sont tout autant frontaliers, vu depuis l’Asie ou l’Amérique.

Une expertise reconnue en matière d’organisation de grandes rencontres (G8) et compétitions internationales : 60% des épreuves de ski alpin et nordique en Haute-Savoie.

3

Nice aussi a organisé des événements importants (traité de Nice)

Des Jeux à des coûts maîtrisés et respectueux de l’environnement grâce à l'existence, à ce jour, de près de 80% des infrastructures nécessaires.

2

Cet apport peut être anéanti avec d’autres coûts comme les infrastructures non-sportives

Une répartition optimale des sites prévus pour les épreuves, garantissant un haut niveau de performance aux athlètes et une fluidité des trajets entre les sites.

2

Critère technique qui sera plutôt utilisé face aux concurrents des autres pays.

Un vivier naturel de champions : 50 médaillés olympiques dont 15 champions olympiques en Pays de Savoie et 8 paralympiques issus de Haute-Savoie.

2

Les chiffres sont porteurs mais chaque site a ses champions. Il y en a peut-être un peu plus à Annecy.

Un accès aisé aux sites des épreuves grâce à un réseau de transports de qualité (3000 km de routes, 200 km d’autoroutes, le rail).

4

Les concurrents ne souffrent pas de cette faiblesse. Cet atout est plutôt annoncé pour ne pas être attaqué sur ce critère pour une ville moyenne.

4 aéroports dont 2 internationaux à proximité (Genève à 30 mn et Lyon/St Exupéry à 1h).

3

Mais c’est une bonne récupération de l’atout niçois car 30 mn, c’est autant qu’à Nice.

La vitalité du milieu sportif local 1290 clubs, 111 497 licenciés et 81 disciplines sportives pratiquées en Haute-Savoie.

3

A voir selon les chiffres des concurrents.

Un mouvement associatif dynamique (250 000 bénévoles en Rhône-Alpes, dont 20 000 en Haute-Savoie).

4

Les bénévoles de la région le sont aussi pour Grenoble. Chaque ville a son bénévolat pour un tel événement

Un département historiquement tourné vers le respect de la nature.

2

Différenciation avec les villes mais les autres départements sont aussi présents et tout aussi attrayants.

Un bassin économique performant (1er département de France pour sa concentration de PME, taux de chômage parmi les plus bas de France...) mêlant industries et activités de hautes technologies.

4

Les concurrents ne souffrent pas de cette faiblesse, au contraire. Cet atout est plutôt annoncé pour ne pas être attaqué sur ce critère pour une ville moyenne.

Une capacité d’hébergement d’un million de lits en Pays de Savoie, avec un parc étendu d’hôtels 3 et 4*, soit la plus grande au monde pour les sports d’hiver.

3

Les chiffres sont porteurs mais chaque sort des chiffres non-vérifiables.

Une forte tradition gastronomique, à la fois conviviale et haut de gamme (symbolisée par Marc Veyrat, seul chef de l’histoire à avoir décroché 20/20 au Gault & Millau).

2

Nice doit avoir ce qu’il faut sur ce plan, peut-être pas Grenoble

Une terre riche d’authenticité, attachée à ses traditions et aux valeurs montagnardes.

4

Argument racoleur

1 – Atout imparable qui différencie clairement et n’est pas récupérable

2 – Atout intéressant mais qui peut être récupéré par les concurrents d’une manière ou d’une autre

3 – Atout clairement récupérable par les concurrents si ce n’est déjà fait, et qui ne distingue pas

4 – Atout inutile, peu porteur voire raccoleur

Les 4 avantages niçois

niveau

Analyse

l’expérience en rappelant que plusieurs grandes épreuves sportives ont déjà été accueillies dans les différentes disciplines olympiques.

4

Grenoble a accueilli les JO et a aussi un passé élogieux.

la compétence en matière d’accueil d’événements internationaux (sommets internationaux) et des infrastructures de qualité (aéroport international et capacité hôtelière de premier ordre).

2

Annecy est au bord du Lac Léman et se place aussi en ville à hôtellerie de Luxe. L’aéroport de Genève est proche.

le projet du Grand Stade pour l’Euro 2016 pourra servir à héberger la cérémonie d’ouverture.

3

Annecy et Grenoble ont un passif d’infrastructure plus solide encore. Cela dit l’aménagement pour 2016 est immédiatement rentabilisé.

de nombreux sportifs ont été « couvé » dans la ville.

4

Cet atout est plutôt annoncé pour ne pas être attaqué sur ce critère vis-à-vis des concurrents très au point là-dessus.

Notons qu’Annecy présente un premier diagnostic avec les coûts du projet et les apports. C’est alors l’occasion de rappeler que les infrastructures sportives nécessaires sont déjà présentes à 80% dans le département, ce qui réclame des investissements inférieurs à 250 millions d’euros, en précisant bien que Turin a déboursé 350 millions. La précision suivante : « Pour avoir un ordre d’idée, le contournement de Thonon inauguré cette année a coûté près de 150 millions d’euros, financés en majeure partie par le Conseil général qui n’a pas augmenté sa fiscalité depuis 5 ans », indique que ce n’est pas aux autorités nationales que cette information est destinée, mais bien à la population locale qui pourrait s’inquiéter de sa coûteuse contribution à l’événement. D’où la nécessité de rappeler que « S’agissant du budget de fonctionnement des J.O. (environ 1 milliard d’euros), il est intégralement pris en charge par le CIO à travers les droits médias et les partenariats avec le secteur privé ».

De surcroît, les investissements sont à considérer au regard des retombées pour le territoire, en termes de développement économique et social (création d’emploi dans les secteurs du BTP et des services), prouvés par les analyses portant sur l’évolution de l’économie locale après les JO de Turin, qui font état d’une rentabilité d’1 euro dépensé contre une recette d’1,3 euro par an. Sur le plan de l’aménagement territorial, des « coups de booster » sont annoncés. L’événement est clairement utilisé comme argument pour faire avancer des projets qui traînent : L’aménagement de la 1508 du nord au sud d’Annecy, le contournement d’Annecy et le percement du tunnel sous le Semnoz, le renforcement ferroviaire du nord du sillon alpin sont « autant de projets, parmi d'autres, qui profiteront d’un coup d'accélérateur », pendant que d’autres projets peuvent voir le jour, à l’exemple d’un pôle de compétitivité dédié au tourisme et aux industries de sports d’hiver.

Visibilité politique

La concertation niçoise est assez facile puisque le Président du Conseil Général des Alpes maritimes et le maire de Nice sont la même personne. A travers cette candidature, c’est l’occasion pour le maire fraîchement élu C. Estrosi de montrer que Nice est dans une nouvelle dynamique ambitieuse. A ce propos, notons une phrase intéressante dans l’un des reportages du site : « C’est sans doute ce qu’il y a de plus attractif pour envoyer le plus beau visage de la France au monde entier »… euh, traduisons dans l’ordre : « pour en envoyer plein le visage à la France et au monde entier ». Et oui, toutes ces actions d’image, servent aussi au politique.


[1] Le marketing de la ville est celui des acteurs locaux et le marketing urbain correspond au palmarès des médias et de la presse plus précisément. Selon Muriel Rosemberg, ces deux types de marketing sont distincts mais en interrelation. En effet, entre la presse, les responsables des services com’ des villes, les experts en communication (consultants, publicitaires) existent des relations. On observe des connivences culturelles, repérables dans le langage, des connivences professionnelles permises par le passage d’un poste à un autre, les rencontres lors de colloques, les échanges d’informations et de services, contribuent aussi à renforcer les relations. La ville est soumise à une communication partiellement indépendante des acteurs locaux, la presse médiatise la ville en proposant des reportages souvent conformes au discours de l’équipe mais parfois aussi des messages éloignés de ce que souhaitent les acteurs locaux. Ainsi, "le marketing urbain par son existence même, exerce une contrainte forte à l’adoption de pratiques de marketing par la ville" (Rosemberg, 2000, p.63).

[2] Vancutsem D., 2005, « Grands événements et développement urbain », revue Urbanisme, n°344, sept-oct, pp.57-60 - urbaniste-conseil, architecte-paysagiste à Munich.

[3] Groueff S., 2005, « Quand la ville s’expose », revue Urbanisme, n°344, sept-oct, pp.61-63,

[4] 5000 chambres sur le secteur d’Antibes et de Cannes sont mentionnés comme pour rappeler à la fois que les villes voisines ont de la ressource et que de surcroît, elles sont elles aussi internationales ; inutile de préciser l’atout premier de Cannes en matière d’image.