Cet espace rassemble des informations sur la communication terrioriale,
prioritairement sur la promotion de la ville et la production de son image.

Les thèmes de la Culture, des Projets urbains, de la Proximité, du Patrimoine,
du Développement économique ou touristique, de la Durabilité sont souvent traités, essentiellement par les villes et métropoles mais parfois aussi
avec d'autres types d'espaces, quelles que soient les échelles.

Histoire du marketing des villes en France

La communication des collectivités locales a longtemps végété puis s’est développée de manière massive, suite aux lois de décentralisation de 1982. Il est courant dire que ces dernières ont engagé les villes dans une compétition sans frein pour attirer les entreprises porteuses d’emplois et de recettes fiscales, à l’exemple d’Hélène Cardy pour qui « la plupart des collectivités ont attendu la décentralisation pour commencer à communiquer, soit qu’elles aient pris conscience de la nécessité d’entreprendre certaines actions, soit qu’elles aient été contraintes de "suivre le mouvement", de crainte de se laisser dépasser » (Cardy, 1997, p.101). Il est plus juste d’affirmer que la décentralisation a renforcé la communication et l’a rendue plus visible. Patentes ou latentes, les rivalités entre villes sont consubstantielles de la fiction juridique de l’égalité des communes décrétée par la Révolution française. Les résistances à la coopération intercommunale en laissent deviner l’ancienneté, et l’organisation de la fiscalité locale ainsi que les règles de fonctionnement du système des notables les ont toujours peu ou prou entretenues (Oblet, 2005).

1960

Le marketing urbain est apparu en France vers la fin des années 1960, principalement à l’occasion de campagnes fabriquées pour attirer les investissements de promoteurs de bureaux privés dans de grandes opérations d’aménagement urbain et aider à la commercialisation des zones industrielles. Il apparaît comme « un substitut aux pratiques de la planification urbaine » (Wievorka, 1975), une sorte d’expédient qui investit de sens les actions conduites ou les équipements réalisés dans les villes moyennes françaises (Marie, 1989). Avec l’octroi d’exonérations fiscales temporaires, les villes se mettent ouvertement en concurrence et les maires consacrent du temps et du budget à la promotion économique de leur cité. Cette animation économique locale reste néanmoins étroitement surveillée par l’Etat. Les communes peuvent s’occuper de l’environnement économique de l’entreprise mais leurs initiatives doivent se situer dans le prolongement direct des orientations étatiques. Le préfet demeure le pivot de l’action économique locale et son contrôle de tutelle lui réserve la possibilité d’annuler les mesures municipales d’aides indirectes à des opérations d’industrialisation qu’il juge non conformes à l’intérêt général. L’intervention directe des communes dans la gestion des entreprises est interdite.

1970

Les années 1970 sont le temps des précurseurs en matière de communication (Mégard & Deljarrie, 2003) à travers les voix d’une nouvelle génération de maires en 1971 et de nombreux jeunes maires de Gauche élus dans les grandes villes en 1977. La communication territoriale se déploie pendant l’ère du chômage et de la crise économique qui nécessitent des discours politiques explicatifs et rassurants. C’est aussi l’époque de l’émergence de contre-pouvoirs politiques avec des groupes de citoyens qui s’investissent dans l’action municipale (associations de quartier, d’éducation populaire…). L’idéologie ambiante correspond à l’utopie de la participation locale, de l’information démocratique, ascendante et descendante, rassemblant des personnes sur des projets concernant leur quotidien. Les magazines municipaux sont quasiment l’unique moyen de communication[1], publiés périodiquement dès les années 1960. Dans une logique de promotion identitaire afin de susciter un sentiment de fierté de la ville, le journal municipal est, pendant plusieurs années, « un des vecteurs privilégiés de diffusion et de construction d’une identité locale fixée sur un territoire de papier […]. La rédaction retravaille les problématiques locales en proposant une information de proximité qui interpelle le sentiment d’appartenance » (Dauvin, 1987).

Ces initiatives sont amplifiées au lendemain des élections de 1977 lors du renouvellement des équipes dans plusieurs grandes villes de France. Les premiers bulletins municipaux (une trentaine de villes de plus de 5 000 habitants éditaient un bulletin municipal avant 1965), souvent ronéotés, sont aujourd’hui des magazines en quadrichromie avec une maquette élaborée. En 2002, une enquête estimait le tirage total des bulletins municipaux à 133 millions d’exemplaires par an soit 12 millions de numéros publiés en faveur de 14,9 millions de foyers (taux de couverture de 81% des foyers). Une autre étude, réalisée en 1997 sur 283 villes de plus de 5 000 habitants, a montré que la quasi-totalité d’entre elles éditait un bulletin mensuel ou trimestriel.

1980

Dans les années 1980, l’information à visée participative a été absorbée par une idéologie de la communication à finalité publicitaire. Cette décennie est l’apogée de la communication au sein du marketing urbain, ce qui, encore aujourd’hui, rend difficile la différenciation entre les deux champs pris l’un pour l’autre (voir lien Urbanités). Bien que les villes communiquaient déjà, cette décennie impose le marketing en réaction à la désindustrialisation et à la relocalisation des activités en dehors des villes-centres. Les pouvoirs locaux des métropoles régionales réagissent plus ou moins rapidement à l’aide du marketing urbain à tendance publicitaire (Montpellier dans les années 1980, Nantes et Rennes dans les années 1990, Angers dans les années 2000…).

La décentralisation se met en place dans un pays marqué par un centralisme fort où les villes existent moins pour elles-mêmes qu’en tant que partie de l’Etat indivisible, ce qui favorise le trouble dans lequel se retrouvent les communes, sans identité et sans positionnement (Mons, 1992). L’indépendance des collectivités territoriales implique la naissance ou la relance d’une identité locale forte pour se distinguer des pouvoirs législatif et réglementaire. Depuis une trentaine d’années, les Etats occidentaux ont accru la communication sur leurs missions d’intérêt général, avec des campagnes portant sur la prévention, la santé ou la sécurité publiques. Ces campagnes articulent des stratégies à caractère publicitaire et relèvent du marketing social et de la communication publique. Cette lutte du local contre le national a dérivé sur le plan de la communication et les élus, en tentant de valoriser l’autonomie et la modernité de leur territoire, ont eu tendance à se valoriser eux-mêmes, parallèlement à la professionnalisation des services Communication, ce qui a suscité une mauvaise image de ce secteur d’activité.

Bilan

A la fin des années 1980, D. Porté s’appuie sur l’enquête réalisée à l’occasion du premier cap Com’ à Valence en 1988, pour dégager quatre phases principales depuis 1960, sans omettre les images pré-1960 qui se cantonnent aux dimensions touristiques ou architecturales, aux blasons et aux flammes postales.

* les années 1960 sont les prémices de la communication des territoires, via les périodiques qui mettent du temps à être diffusés régulièrement. Toulouse, Nice ou Bordeaux créent un service Information. Quelques documents de promotion existent, comme un livre sur Rennes signé par son maire en mai 1969. Le plan « Rennes moderne, capitale de la Bretagne ; Quelques dates de l’histoire de Rennes ; Vers un urbanisme moderne ; L’industrie ; L’action culturelle (seule partie composée de trois sous-parties : La maison de la culture, les musées, les archives) ; L’université ; Rennes, porte de la Bretagne » donne un ouvrage qui répond aux normes du classicisme littéraire, illustré par les photographies des grands projets rennais (la zup, l’université Villejean, le chu…). L’objectif est essentiellement iconographique afin de valoriser l’action d’un élu et construire un territoire plus lisible. Ce n’est pas l’heure de l’audace ;

* les années 1970 et l’année élective 1977 donnent le pouvoir à une nouvelle génération de maires qui appellent des professionnels de la communication pour gérer les services Information ;

* de 1977 à 1983, 19 des 34 villes de plus de 100 000 habitants créent leur service Communication dont Paris, avec une professionnalisation accrue qui fait se côtoyer experts et consultants ;

* de 1983 à 1988, cette dernière phase correspond à la généralisation des services et à une amélioration des techniques et des moyens (10 millions d’exemplaires de presse territoriale chaque mois en France, plus de 150 communes ont acquis des panneaux électroniques d’information, les budgets de communication des villes varient entre 0,5 et 1% du budget communal).

« De manière schématique, l’histoire de la mercatique territoriale peut être divisée en trois étapes. Une première, propre aux années 1970 et au début de la décennie suivante, a largement mis l’accent sur le personnage de l’élu considéré comme la figure emblématique de la mercatique territoriale. Ce sont les temps des icônes illustrées par les grandes campagnes de communication centrées sur les métaphores managériales, sur l’innovation mais aussi sur les faiblesses avérées d’argumentaires plus enclins à imiter qu’à créer. Cette période faste n’aura qu’un temps ; elle laisse la place au cours de la décennie 1990, à des déclinaisons plus discrètes. C’est l’époque de l’élu gestionnaire, le temps où les collectivités expérimentent de nouvelles rationalités comptables inspirées du monde de l’entreprise et du droit privé. Depuis quelques années, parfois d’ailleurs de manière concomitante, une nouvelle tendance se fait jour. Elle émerge à partir d’une prise en compte plus affirmée des réalités de la gestion territoriale. Elle s’exprime sous un mode stratégique illustré par la fréquence grandissante des travaux d’élaboration de projets construits à grand renfort de commissions, de participations, voire d’ambitions prospectives » (Jambes, 2001, p.123).


[1] La loi du 17 juillet 1978 pose les bases d’un droit général à l’information des citoyens en permettant aux huc d’avoir accès aux documents administratifs émanant des collectivités locales.